Les procès-verbaux du Bureau des longitudes

Marie Louise de Bauller (1875 – 1950), du Bureau international des poids et mesures au Bureau des longitudes

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Lisbeth Cadeot

(Lycée français international de Singapour - IFS)

Publié le 31/01/2025

Marie Louise Adèle de Bauller (1875 – 1950), née le 19 janvier 1875 à Sèvres, est la fille d’un voyageur de commerce et d’une institutrice[1]. Après l’obtention du brevet élémentaire puis du brevet supérieur, elle commence à travailler à 17 ans au Bureau international des poids et mesures qui siège à Sèvres[2]. Sa carrière qui s’étendra sur 46 ans la mènera ensuite à l’Observatoire de Paris puis au Bureau des longitudes.

1892 – 1908 : Le Bureau international des poids et mesures (BIPM)

Engagée le 15 août 1892 au Bureau international des poids et mesures pour renforcer un personnel peu nombreux confronté à de multiples travaux, Marie Louise de Bauller assure des tâches de calculs, de corrections et de rédaction et collabore aux publications scientifiques. Dans les Procès-verbaux des réunions du Comité international des poids et mesures (CIPM) de 1892, le directeur, Justin Miranda René Benoît /(1844 – 1922), précise « qu’en outre des travaux de /l’ordre que [il] vien[t] de préciser [mentionné précédemment], elle a également commencé à faire l’apprentissage des études thermométriques » sous la supervision de Charles-Édouard Guillaume (1861 - 1938) et de Suzanne Maudet (1872 - 1954)[3]. Elle participe donc à l’important travail de calibrage des thermomètres de précision qui sont livrés avec chaque étalon de mètre à destination des États Membres du BIPM. Ses tâches incluent des manipulations et des relevés sur des appareils de haute précision (Figure 1) ainsi qu’une suite complexe de calculs[4]. Par la suite, elle participe à d’autres travaux tel que l’étalonnage des subdivisions du gramme pour des séries de poids divisionnaire (Procès-verbaux des réunions du CIPM, 1895, p.47 puis 1897). Durant ces années, elle collabore avec Suzanne Maudet puis Mlle L. Junot (personnels auxiliaires pour les études thermométriques), M. Ozenne (aide et calculateur), les adjoints Charles-Édouard Guillaume et Pierre Chappuis, et le directeur. En tant que personnel auxiliaire son travail est payé 1 franc de l’heure soit environ 1730 francs par an.

Appareil servant au calibrage des thermomètres

Figure 1 - Appareil servant au calibrage des thermomètres, Archives du BIPM[5].

Autour de 1905, après la première vague d’étalons livrés aux États membres et malgré la reconnaissance de son travail et de ses compétences diversifiées, le Bureau peine à lui assurer un travail continu : « Quoique nombreux, les calibrages exécutés dans ces deux dernières années par Mlle de Bauller n’ont pas suffi à occuper tout son temps ; c’est pourquoi nous l’avons fait participer plus qu’autrefois à des travaux de secrétariat, à l’inscription des observations des fils, et à des copies de toutes sortes ; il a été possible ainsi de lui assurer un travail continu, et de prévoir la possibilité de lui garantir au Bureau une position stable ». (Procès-verbaux des réunions du CIPM, 1905, p. 62).

Après seize ans au BIPM, Marie Louise de Bauller quitte l’institution en « fin d’année » 1908 « pour cause de santé ». Elle est remplacée par M. Viard nommé calculateur. (Procès-verbaux des réunions du CIPM, 1909, p. 3).

1909 – 1915 : Observatoire de Paris

Le 4 février 1909, elle rejoint l’Observatoire de Paris, comme employée auxiliaire, où elle participe au projet international de la Carte du Ciel. « Attachée au Bureau des Mesures de la Carte photographique du Ciel », elle réalise des mesures micrométriques à l’aide d’une machine à mesurer les clichés stellaires (Figure 2.)[6]. Elle procède ainsi à des calculs permettant la réduction des observations, la transformation des mesures en coordonnées rectilignes et la détermination des grandeurs stellaires. Le travail réalisé est mentionné dans les Rapports annuels sur l’état de l’Observatoire de Paris, à la rubrique Bureau des mesures. Elle contribue également à des relevés pour le service de l’heure, « au Cercle du Jardin et à l’Instrument des Longitudes » et pour le service météorologie, « le relevé du baromètre de Fortin, des thermomètres de l’abri Arago et des pluviomètres » (1914).

Machine à mesurer les clichés stellaires

Figure 2 - Paul Gautier, “Machine à mesurer les clichés stellaires,” Bibliothèque numérique - Observatoire de Paris, https://bibnum.obspm.fr/ark:/11287/3hcHj[7].

Durant ces années, Marie Louise de Bauller perfectionne ses compétences dans l'utilisation d'appareils de haute précision, nécessitant expertise et rigueur. Elle développe également ses aptitudes en analyse de données scientifiques, en enchaînement de calculs divers, ainsi qu'en rédaction de rapports et en gestion administrative.

1915 – 1938 : Le Bureau des longitudes (BDL) et enfin la titularisation

Après six années passées à l’Observatoire de Paris, Marie Louise de Bauller est détachée au Bureau des longitudes en mai 1915 pour remplacer des collaborateurs mobilisés. Elle contribue à la publication de la Connaissance des temps. Son statut de calculatrice temporaire lui vaut une indemnité mensuelle de 150 francs (Procès-verbal de la séance du 26 mai 1915)[8].

Après la guerre, elle reste attachée au BDL. En avril 1919, le président du Bureau Henri Andoyer (1862 – 1929), qui supervise aussi la Connaissance des temps, plaide auprès du ministre de l'Instruction Publique pour une revalorisation de son statut : « Mme Lemaire et Mlle de Bauller, employées à l’Observatoire de Paris, détachées au Bureau des Longitudes depuis le début de la guerre, reçoivent sur les fonds de notre Établissement, la première 2040 F, la deuxième 1800 francs par an. Ne vous paraitrait-il pas équitable de les assimiler, quant au traitement, à un calculateur de 3e classe aux appointements de début de 2500 frs[9] ». Le 14 juin, le ministère de l’Instruction Publique accède partiellement à cette requête, accordant le titre de calculatrice de 3ᵉ classe, mais sans droit à une pension. Grâce à des démarches administratives soutenues par les membres du Bureau, elle parviendra à obtenir un avis favorable aux « versements à la Caisse de retraite pour vieillesse » en 1921 (Procès-verbal de la séance du 2 février 1921).

Puis, lors de la séance du 12 août 1925, Guillaume Bigourdan (1851 – 1932) annonce la promotion de Marie Louise de Bauller, effectuée par le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts. Est-elle donc promue calculatrice de 2e classe aux appointements de 4 100 francs par an ?

Le 19 janvier 1938, à 63 ans, Marie Louise de Bauller prend sa retraite[10]. Durant ses vingt-trois années au Bureau, son statut évoluera grâce au soutien constant des membres de cette institution comme en témoigne les procès-verbaux des séances entre 1915 et 1930. Elle s’éteint le 29 mai 1950 à l’âge de 75 ans, à Paris[11].

De 1892 à 1938, Marie Louise de Bauller aura travaillé dans trois institutions scientifiques, développant des compétences expérimentales, théoriques et administratives. Si son parcours professionnel témoigne d’une adaptation constante aux besoins spécifiques de chaque institution, sa progression salariale et professionnelle n’aura été possible qu’avec le soutien actif des membres des institutions où elle travailla, en particulier ceux du Bureau des longitudes.



[1] Archives départementales des hauts de seine (Sèvres) : registres d’états civils et recensements.

[2] Archives nationales (AN : F17.24656 ; EAN).

[3] Procès-verbaux des séances de réunion du Comité international des poids et mesures, Paris. Gauthier-Villars, consulté le 10 décembre 2024, https://www.bipm.org/fr/committees/ci/cipm/publications, parcourir la collection entre 1892 et 1909.

[4] CADEOT, Lisbeth (2024). Des invisibles en sciences : les « dames » affectées au service du calibrage des thermomètres au Bureau international des poids et mesures, (1884-1908), Mémoire de Master 2 sous la direction de SCHIAVON, MARTINA & FELLAG ARIOUET, CÉLINE.

[5] Figure 1 : GUILLAUME, Charles-Édouard. Traité pratique de la thermométrie de précision. https://books.google.fr/books?id=dsgLAAAAYAAJetprintsec=frontcoveretredir_esc=y#v=onepageetqetf=false, Gauthier-Villars et fils, 1889.

[6] Rapport annuel sur l’état de l’Observatoire de Paris - Gallica. (s. d.). Consulté le 10 décembre 2024 de https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32848060n/date, parcourir la collection entre 1909 et 1915.

[7] Figure 2 : Observatoire de Paris : https://www.observatoiredeparis.psl.eu/, Trois siècles de femmes astronomes et La machine à mesurer les plaques de la Carte du Ciel : https://bibnum.obspm.fr/ark:/11287/3hcHj#?c=.

[8] Procès-verbaux du Bureau des longitudes. (s. d.). Consulté le 12 décembre 2024 de http://bdl.ahp-numerique.fr/collection-tree, parcourir la collection entre 1915 et 1925.

[9] LE LAY, Colette, 1919, le Bureau des longitudes demande une meilleure rétribution du personnel féminin · Les procès-verbaux du Bureau des longitudes. (s. d.). Consulté le 12 décembre 2024 de http://bdl.ahp-numerique.fr/focus-acteurs-cll-retribution-personnel-feminin.

[10] BOISTEL, Guy  (2014) «Profession calculateur du Bureau des longitudes et de la Connaissance des temps. Du (presque) bénévolat à la professionnalisation, 1795-1905», dans SCHIAVON, MARTINA, ROLLET LAURENT (dirs.), Pour une histoire du Bureau des longitudes (1795-1932), Nancy, Presses universitaires de Nancy – Éditions universitaires de Lorraine (Collection « Histoire des institutions scientifiques »), 43-89. http://bdl.ahp-numerique.fr/files/original/c6cf9a8cc4c2bd965efbad6bcf0c870b.pdf.

[11] Archives départementales de Paris (XVe arrondissement) : registres d’états civils.