Les procès-verbaux du Bureau des longitudes

Les calculateurs de la Connaissance des temps et leurs rémunérations (première moitié du XIXe siècle)

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Guy Boistel

(Centre François Viète - Université de Nantes)

Publié le 19/12/2018

La Connaissance des temps est la plus ancienne des éphémérides qui est publiée sans discontinuité depuis 1679. Au cours du XVIIIe siècle, elle a été rédigée sous la responsabilité d’un membre de l’Académie des sciences (voir la page Histoire de la Connaissance des temps). En 1795, c’est le Bureau des longitudes qui en est chargé. Les astronomes Jérôme Lalande et Pierre Méchain poursuivent leur travail malgré les difficultés matérielles rencontrées lors de la Révolution. Lalande recourt à des calculateurs recrutés par ses soins et rémunérés sur ses fonds propres. C'est sous la pression du ministre de la Marine que l’Académie des sciences recrute le premier calculateur officiel pour les distances lunaires et « les lieux de la Lune » en 1785. Il s'agit de Louis-Robert Cornelier Lémery (1728-1802), dont la pension s'élève alors à 1200 Livres, soit autant que pour un pensionnaire de l’Académie à cette époque. Lémery calculait déjà pour Lalande depuis 1775 au moins. Avec la suppression des académies d’Ancien Régime, bien que sans ressources, Lémery poursuit malgré tout son travail.

Ce n’est pas la première fois que Lémery demande secours au Bureau alors qu’il contribue avec assiduité aux calculs de la Connaissance des temps (voir les procès-verbaux des mois de février à mai 1796 notamment où Lémery est malade mais assure ses livraisons de calculs). En 1796, Lalande intervient auprès de Gaspard Prony, nommé directeur du Bureau du Cadastre, pour qu’il intègre Lémery dans les personnels du cadastre mobilisés pour aider aux calculs de la Connaissance des temps (voir la page Cadastre du projet LOCOMAT). Sur place, Lémery forme quelques calculateurs qui entreront au Bureau des longitudes à la fin des opérations du Cadastre en 1802, notamment Jean-Baptiste Marion (17..-1846).

Procès-verbal de la séance du 24 pluviôse an X (13 février 1802).

Procès-verbal de la séance du 24 pluviôse an X (13 février 1802).

Le procès-verbal du 24 pluviôse an X (ou du 13 février 1802 ; 495e assemblée) nous montre les difficultés qu’ont les calculateurs de la Connaissance des temps à se faire payer régulièrement. La Connaissance des temps de l’an XIII (pour l’année 1805) est en cours et le Bureau tente d’obtenir des fonds pour payer les deux calculateurs que Méchain souhaite engager pour constituer ce qui pourrait ressembler à un premier embryon d’un « bureau des calculs » du Bureau [1]. On apprend par ce procès-verbal de 1802 que les calculateurs sont alors rémunérés à la hauteur de 2000 livres, soit un tiers de la pension des membres titulaires à cette époque.

L’année 1802 voit Méchain repartir pour tenter de finir les opérations de la méridienne Dunkerque-Barcelone, expédition au cours de laquelle il perdra la vie ; Lémery décède en octobre de la même année. Marion sera rejoint par un autre calculateur du Cadastre engagé dans les calculs de la Connaissance des temps entre 1791 et 1802, Charles Haros (17..-1808). Haros sera remplacé en 1809 par Desgranges, autre transfuge du Cadastre, pour quelques mois, puis par Lebaillif-Mesnager (17..-1859). Marion et Lebaillif [Mesnager] constitueront une équipe stable et solide de calculateurs jusqu’en 1834, année où Marion prendra sa retraite ; Lebaillif [Mesnager] travaillera pour le Bureau pratiquement jusqu’à son décès en décembre 1859.



[1] Appellation exagérée car Marion et Haros ne sont employés que temporairement pour les calculs de la Connaissance des temps. Quand en 1863, alors que le Bureau ne dispose plus d’aucun lieu de réunion, les calculateurs sont hébergés chez Mathieu et Delaunay, ce dernier demande que de fait, soit reconnu le « Bureau des calculateurs » ainsi constitué (procès-verbal du 1er avril 1863). L’officialisation d’un « Service des calculs » réglementé, avec un véritable statut de « calculateurs » devenant personnels du ministère de l’Instruction publique, ne survient qu’au cours de l’année 1881, le Bureau ayant désormais ses bureaux au sein de l’Institut.