Les procès-verbaux du Bureau des longitudes

Séance du 19 mai 1858

Titre Séance du 19 mai 1858
Créateur inconnu
Contexte Registre 1845-1859 (copies)
Date 1858-05-19
Identifiant C1845_1859_695
Format 25,7 x 38,6 cm; image/jpeg;
Éditeur Bureau des longitudes; Observatoire de Paris; Laboratoire d'Histoire des Sciences et de Philosophie - Archives Henri Poincaré (UMR 7117 CNRS / Université de Lorraine);
Droits CC BY-SA 3.0 FR
Type Manuscrit; Text; Procès-verbal;
Description

Séance du 19 Mai 1858.

Présidence de M. Poinsot.

Le procès verbal de la séance précédente est lu et adopté.

Le Bureau reçoit le n° 1141 des Nouvelles astronomiques. Ce n° ne contient que des observations des petites planètes et de l'Eclipse de Soleil du mois de Mars dernier.

M. Laugier lit la note suivante de M. Delaunay sur une nouvelle théorie du mouvement de la Lune.

Le mouvement de la Lune a déjà été l'objet de recherches d'un grand nombre de savants, et cependant il n'y a pas encore bien longtemps qu'on est parvenu à en établir les formules avec un degré d'approximation suffisant pour les besoins de l'astronomie. Les travaux de MMrs Damoiseau, Plana et Hansen, sur ce sujet, sont jusqu'à présent les seuls qui aient été poussés assez loin pour pouvoir servir de bases à la construction de Tables lunaires, en n'empruntant à l'observation que les données indispensables de la question. Malgré tout ce que ces travaux ont de remarquable, on ne doit pas considérer la matière comme épuisée ; car les résultats qui s'en déduisent présentent entre eux des divergences trop grandes pour qu'on puisse ne pas y faire attention. Cela tient à ce que la détermination précise des nombreuses inégalités de la lune est d'une extrême difficulté en raison de la grandeur de la force perturbatrice qui les occasionne ; cette détermination ne peut s'effectuer qu'à l'aide de calculs immenses, dont la complication explique les fautes commises par ceux qui ont eu le courage de les entreprendre. Dans le but de contribuer pour ma part à établir la construction des tables lunaires sur des bases suffisamment exactes, j'ai entrepris de refaire la Théorie de la lune, en modifiant la marche des calculs de manière à diminuer autant que possible les chances d'erreurs. Je vais essayer de faire comprendre en quoi la marche que j'ai suivie diffère de celle de mes devanciers.

MMrs Damoiseau & Plana ont appliqué la méthode que Laplace avait adoptée dans sa Mécanique céleste, et qui n'est autre que celle que Clairaut avait primitivement employée dans ses recherches sur la lune. Cette méthode consiste à exprimer d'abord le temps, la latitude et la parallaxe de la lune, en fonction de la longitude vraie, pour en déduire ensuite les valeurs de la longitude, de la latitude et de la parallaxe, en fonction du temps. M. Hansen a suivi une autre marche consistant à chercher directement les expressions des trois coordonnées de la lune en fonction du temps. En cela, M. Hansen a de l'avantage sur MMrs Damoiseau et Plana : Le calcul direct des inégalités lunaires en fonction du temps présente évidemment moins de chances d'erreurs, que la recherche de ces inégalités par la méthode indirecte employée par ces deux derniers savants. Toutefois la différence qui vient d'être signalée entre les méthodes suivies par MMrs Damoiseau, Plana et Hansen, ne porte pour ainsi dire que sur l'établissement des équations différentielles du mouvement de la lune, dans lesquelles la variable indépendante est, d'une part la longitude vraie de la lune, d'une autre part le temps. Une fois les équations différentielles obtenues ils les intègrent tous trois par la méthode bien connue des approximations successives : c'est-à-dire que, dans une première approximation ils calculent les inégalités qui sont du premier ordre par rapport à la force perturbatrice ; dans une deuxième approximation, ils déterminent celles qui sont de second ordre par rapport à cette force perturbatrice, et ainsi de suite.

Mais c'est là qu'est toute la difficulté.

La méthode d'intégration par approximations successives est amplement suffisante dans les théories du soleil et des planètes, où la première approximation donne presque tout ce que l'on cherche. Dans les théories de la lune, au contraire, où l'on est obligé de faire complètement au moins quatre ou cinq de ces approximations successives, sauf à aller plus loin encore pour le calcul de quelques inégalités spéciales, cette méthode présente de grands inconvénients. Les calculs auxquels elle conduit se compliquent de plus en plus et deviennent bientôt vraiment inextricables. Pour vaincre cette difficulté, j'ai cherché à la diviser, et à la faire disparaître peu à peu en l'attaquant par petites portions.

Le beau Mémoire de Poisson m'a servi de point de départ. D'après lui, je prends les équations différentielles fournies par la méthode de la variation des constantes arbitraires : le temps y est considéré comme variable indépendante. La fonction perturbatrice qui entre dans ces équations différentielles et dans laquelle les coordonnées de la lune ont été remplacées par leurs valeurs elliptiques peut être facilement développée en une série de termes périodiques. Cela étant fait, au lieu d'intégrer les équations différentielles, je leur fais subir successivement un grand nombre de transformations, toutes de même nature, transformations qui ont pour objet de faire disparaître les uns après les autres les divers termes périodiques de la fonction perturbatrice qui ont le plus d'influence sur la production des inégalités. Chacune de ces transformations, analogue aux changements de coordonnées que l'on emploie en géométrie, introduit dans les valeurs des coordonnées de la lune certaines inégalités correspondant au terme périodique qu'elle supprime dans la fonction perturbatrice ; et d'ailleurs, après que cette transformation est effectuée, les équations différentielles se présentent exactement sous la même forme que précédemment. On comprend sans peine qu'en opérant ainsi, on peut amener peu à peu la fonction perturbatrice à être tellement modifiée que l'intégration des équations différentielles puisse s'effectuer au moins aussi facilement que s'il s'agissait de la théorie d'une planète ou du soleil.

Dans l'application de ma méthode, j'ai adopté pour les coefficients des inégalités la même forme que M. Plana : ces coefficients sont développés en séries ordonnées suivant les puissances croissantes des petites quantités dont ils dépendent. M. Plana a calculé les inégalités en s'arrêtant généralement aux termes du 5ème ordre : il lui eut été bien difficile d'aller plus loin par la méthode qu'il a employée. Quant à moi, j'ai pu pousser sans peine ce calcul jusqu'aux termes du 7ème ordre, et je pourrais facilement aller plus loin encore si cela était reconnu nécessaire. Il m'a fallu un temps considérable pour effectuer les calculs jusqu'au bout avec ce degré d'approximation : mais la division du travail m'a permis de conserver constamment une entière sécurité sur l'exactitude de mes résultats.

Il y a quelques jours seulement que je suis arrivé au bout de la tâche que je m'étais imposée. Je n'ai pu encore tirer aucune conséquence des formules que j'ai obtenues. Mais je n'ai pas voulu attendre pour annoncer au Bureau des longitudes l'achèvement des calculs immenses que j'avais entrepris sur une question qui l'intéresse au plus haut degré.

Plusieurs membres témoignent le désir que ce Mémoire qui donne l'exposition de la méthode employée par M. Delaunay soit inséré dans les additions de la Connaissance des temps, en y ajoutant simplement les résultats auxquels il est parvenu afin de porter promptement à la connaissance des astronomes ce travail dont l'impression in extenso sera probablement très longue.

Type de document Procès-verbal
Président de la séance Poinsot, Louis (1777-1859)
Transcripteur Muller, Julien
Collection Registre 1845-1859 (copies)
Citer ce document “Séance du 19 mai 1858”, 1858-05-19, Les procès-verbaux du Bureau des longitudes, consulté le 19 avril 2024, http://purl.oclc.org/net/bdl/items/show/10069

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