Extrait d'une lettre de M. Yvon à M. Macclear en date du 28 mars 1859

Extrait d'une lettre de M. Yvon à M. Maclear en date du 28 Mars 1859.

Ainsi que je vous l'indiquais dans une précédente lettre, il m'eût été possible d'entreprendre le calcul des perturbations en m'appuyant sur les quatre observations approximatives que vous me communiquâtes avant d'avoir observé au Méridien des Etoiles de comparaison ; et si j'avais commencé ce travail au reçu de vos observations, il m'eût suffi d'une semaine pour achever la détermination [barré : complète] de l'orbite de la comète au moyen des observations complètement réduites : mais il m'a été impossible de songer davantage à m'occuper de ces recherches pendant toute l'année 1858, et ce n'est que quelques temps après avoir reçu l'ensemble de vos observations, que j'ai pu commencer le calcul des perturbations.

Une valeur approchée du demi-grand axe de l'orbite était nécessaire pour baser le calcul ; je l'ai déduite en comparant quatre de vos observations aux éléments indéterminés que j'ai publiés en 1852. J'ai été conduit de la sorte à prendre une valeur provisoire de δN égale à +0",142, et les erreurs que laissa cette valeur, en négligeant les perturbations ont varié de -12",2 à +14",9 pour les ascensions droites, et de -70" à -44", pour les Déclinaisons. Ces résidus indiquaient évidemment la nécessité d'avoir égard aux perturbations.

J'ai fait alors le calcul des perturbations produites par Mars, Jupiter et Saturne, en me servant des coordonnées rectangulaires de ces planètes publiées dans les Astronomische-Nachrichten ; et je suis parvenu à un système d'éléments osculateurs pour le 25 Décembre 1857, qui m'a servi à comparer vos observations, et à les grouper en 6 positions normales. J'avais autrefois groupé en 13 positions normales les observations Européennes de 1851 ; en les réunissant aux vôtres, j'ai eu 19 positions normales qui m'ont fourni 38 équations de condition pour la détermination des corrections à appliquer aux Eléments provisoires.

Après avoir éliminé cinq des inconnues, je me suis trouvé en présence d'un système de 38 équations ne contenant plus qu'une seule inconnue, la correction δε de la longitude moyenne de l'époque ; je transcris ici ces équations.

Il est évident que les équations sont tout-à-fait impropres à la détermination de δε et qu'elles ne permettent pas même de fixer le signe de cette correction : aussi, ai-je pris le parti de traiter  δε comme une indéterminée en fonction de laquelle les éléments doivent être actuellement exprimés.

De cette manière, les premiers membres des équations précédentes sont les expressions des erreurs que laissent les éléments comparés aux positions normales. En supposant que ces erreurs ne doivent pas excéder +/- 10" et laissant de côté l'ascension droite du 4 octobre 1851 qui peut être regardée comme très douteuse, je trouve qu'on peut fixer pour limites à δε les quantités -14" et +22". Appliquant les corrections en fonction de δε aux éléments qu'il s'agissait de corriger, j'ai trouvé :

Eléments osculateurs de la comète périodique de D'Arrest

Temps écoulé entre les deux retours au Périhélie : 2334^jours,51005 +0,000189 δε

Ce dernier nombre n'est pas tout-à-fait exact ; il eût fallu, pour cela, comparer les passages au périhélie déduits des éléments osculateurs aux époques mêmes de ces passages ; mais cela est sans importance actuellement.

En se reportant aux limites -14" et +22" de δε, on voit que ces éléments ne présentent plus que d'assez légères incertitudes, et qu'en les prenant pour base du calcul des perturbations que la comète aura à subir jusqu'à l'apparition de 1864, on en pourra prédire les positions à cette époque, avec une très grande exactitude.

Il ne sera pas sans intérêt de faire remarquer que si l'on fait abstraction de δε et que l'on pose δN = 0",142 +0",07800 [1] valeur qui a été fournie par la résolution des équations de condition ou δN = 0",22000 [2], cette valeur mise dans les éléments indéterminés obtenus en 1851, reproduira à 1" ou 2" près ceux que je viens d'appliquer pour l'époque de la première apparition. Ce résultat montre combien était fondée la relation que j'avais établie alors entre tous les éléments.

Les erreurs que laissent les éléments pour l'année 1851 équivalent à celles que j'avais déjà déterminées, en ce sens que la somme de leurs carrés est presque exactement la même qu'avant la correction. Quant aux positions normales déduites de vos observations, elles sont satisfaites par les nouveaux éléments, bien plus exactement que celles obtenues en 1851 ; et cela est d'autant plus remarquable que vos observations ont été faites dans des circonstances de visibilité presque toutes défavorables. S'il semble exister quelques traces d'erreurs systématiques dans la comparaison des observations de 1857-58, cela tient évidemment à l'influence exercée par les positions normales défectueuses de 1851.

Voici maintenant comment les observations sont individuellement représentées dans l'hypothèse δε = 0.

De toutes les observations que vous avez eu l'obligeance de me communiquer, je n'ai rejeté que l'Ascension droite du 9 Décembre 1857 qui discorde visiblement avec les autres : il y a là, vraisemblablement, une erreur de réduction ou de copie sur laquelle seul vous pouvez prononcer.

Je compte effectuer le calcul des perturbations entre la fin de 1857 et l'époque du passage au périhélie en 1864, et obtenir pour cette apparition, une Ephéméride dont l'exactitude permettra immédiatement la comparaison avec les observations.

Dès que ce travail sera terminé je m'empresserai de vous en [transmettre] les résultats.

[Signature] Yvon Villarceau

Communiqué au bureau des Longitudes

Le 13 Avril 1859.

Le Vice Présid^t.

T. Deloffre