Les procès-verbaux du Bureau des longitudes

Procès-verbal de la séance du 31 juillet 1861

Titre Procès-verbal de la séance du 31 juillet 1861
Créateur Yvon Villarceau, Antoine Joseph François (1813-1883)
Contexte Registre 1860-1867 (copies)
Date 1861-07-31
Identifiant C1860_1867_085
Format 26,1 x 38,7 cm; image/jpeg;
Éditeur Bureau des longitudes; Observatoire de Paris; Laboratoire d'Histoire des Sciences et de Philosophie - Archives Henri Poincaré (UMR 7117 CNRS / Université de Lorraine);
Droits CC BY-SA 3.0 FR
Type Manuscrit; Text; Procès-verbal;
Description

Procès verbal de la séance du 31 Juillet 1861.

Présidence de M. le Maréchal Vaillant

 

Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté.

Le sécrétaire annonce qu'il tient à la disposition du Bureau le compte-rendu général des dépenses faites pendant l'année 1860. M. le Président nomme une commission formée de MM. Deloffre et Bréguet pour examiner les comptes du Trésorier et en rendre compte au Bureau.

Le Bureau reçoit le n° 1317 des Astronomische Nachrichten. On s'entretient d'une communication faite par M. Faye à l'Académie dans la dernière séance au sujet de la théorie de la force répulsive : M. Plana, suivant M. Liouville, aurait commis l'erreur de traiter comme les autres termes périodiques, un terme qui à raison de la présence d'une tangente deviendrait infini.

M. Deloffre demande si la liste de présentation du Bureau a été admise par l'Académie. La séance en comité secret a été orageuse et finalement la présentation a été maintenue par la commission de l'Académie.

M. Liouville parle d'une lettre adressée par M. Waltz [Valz] à l'Académie, et d'après laquelle M. Waltz qui a été nommé directeur honoraire de l'Observatoire de Marseille, aurait été dans l'impossibilité d'observer la nouvelle comète, vu l'absence du Directeur titulaire de l'Etablissement.

La question des vacances du Bureau est encore l'objet de discussions : on cite que M. Largeteau aurait déclaré être dans l'impossibilité de vaincre la résistance d'un calculateur, s'il n'avait eu l'avantage de pouvoir saisir le Bureau des difficultés qui allaient se présenter.

M. le Maréchal demande quels sont les projets du Bureau en ce qui concerne les travaux exigeant l'emploi d'appareils astronomiques ou autres.

M. Liouville répond que les projets dépendent des circonstances et de la possibilité d'obtenir le matériel nécessaire. On expose que tel membre du Bureau pourrait désirer d'étudier certaines questions relatives aux comètes par exemple : à ce sujet M. Villarceau cite comme étant l'instrument le plus simple et le plus répandu en Allemagne la lunette pourvue d'un micromètre circulaire ; mais il ne conseille l'emploi de cet appareil que dans le cas où il est impossible de se procurer un instrument parallactique.

M. l'Amiral Deloffre revient sur la question relative à l'usage de la Bibliothèque commune au Bureau des Longitudes et à l'Observatoire.

M. le Maréchal Vaillant présente des détails circonstanciés sur les effets d'un coup de tonnerre qui ont été observés récemment à Vincennes.

Une discussion s'engage sur l'étude de la mécanique. M. Liouville regarde comme préférable d'aborder l'étude de l'action des forces sur les corps de dimensions finies, d'assimiler ces forces à la pesanteur, plutôt que de débuter par la considération des points matériels : dans tous les cas l'étude de la statique doit précéder celle de la mécanique. M. le Maréchal Vaillant se range de l'avis de M. Liouville au moins quant à l'étude de l'action des forces sur les corps de dimensions finies : M. Y.V. pense que l'enseignement de la mécanique peut profiter de l'expérience acquise dans l'enseignement de la cosmographie : quand on met immédiatement les élèves en présence des résultats acquis à la science, en ce qui concerne le système planétaire, ils comprennent sans peines ; tandis qu'en partant de l'exposé des apparences, pour les conduire à ce qu'on est convenu de considérer comme la réalité, on arrive beaucoup plus péniblement au but. Il pense en conséquence, qu'il convient de partir en mécanique de la considération abstraite du point matériel, d'enseigner ce que l'on fait de l'action des forces sur un tel point et de passer ensuite aux systèmes des points matériels ou corps, en ajoutant la notion relative à l'égalité et à l'opposition de sens de l'action et de la réaction : la statique se présente alors comme un cas particulier de la Dynamique et ses lois se déduisent sans effort.

M. Y.V. pense qu'on acquiert des notions plus exactes sur les forces en les étudiant d'abord quand elle produisent des effets saisissables que dans la circonstance particulière où leurs effets s'annulent.

Il cite l'application de cette méthode faite depuis plus de vingt ans aux écoles centrale, polytechnique et des ponts-et-chaussées. M. Liouville pense qu'un autre mode d'enseignement, aurait produit de meilleurs résultats.

 

Paris le [en marge : La date est restée en blanc dans l'original. Y.V.] Juin 1861

 

Monsieur le Maréchal et cher collègue, [en marge : cette lettre doit être reportée page 58 – YV – après la séance du 26 Juillet.]

Je m'empresse de répondre aux trois questions qui font l'objet de la lettre que vous avez bien voulu m'adresser le 20 de ce mois, en votre qualité de Président du Bureau des Longitudes.

1ère question _ Les membres adjoints peuvent-ils voter dans les élections des membres titulaires?

Je n'hésite pas, Monsieur le Maréchal, à répondre par l'affirmative la plus formelle ; car le texte du décret du 30 Janvier 1854 n'admet aucune divergence d'interprétation. Il faut remarquer, d'abord, que ce décret contient l'organisation complète du Bureau des Longitudes et de ses attributions. Ce bureau, dans sa composition, est indivisible, et à ce titre, il admet, 1° neuf membres titulaires, 2° quatre membres adjoints, 3° trois artistes.

Si le décret n'était pas venu distinguer entre ces trois catégories de membres, soit pour le mode de nomination, soit pour les attributions, il serait évident que le bureau ne pourrait régulièrement fonctionner pour un acte quelconque, en excluant l'une de ces catégories. Mais le décret s'est expliqué et sur le mode de nomination et sur la nature des attributions. Or, recherchons quelles sont les dispositions réglementaires qui touchent aux membres titulaires et aux membres adjoints pour déterminer leurs droits et leurs fonctions. Ces dispositions sont contenues dans les articles 2, 3, 4, et 5 du décret. D'après l'article 2, les membres adjoints, sont, comme les membres titulaires, nommés par l'Empereur ; ainsi, sous le rapport de la nomination, nulle différence. Ce point est grave, car il change complètement la position des membres-adjoints qui antérieurement au décret de 1854, étaient comme la création directe des membres titulaires les choisissant souverainement et les constituant ainsi en une espèce de suppléants subordonnés, Aujourd'hui, au contraire et par l'effet de la nomination Impériale, les adjoints deviennent des membres nécessaires du bureau des Longitudes ; ils constituent, pour leur part, son organisation, et ils reçoivent la même consécration que les membres titulaires. Ceci n'a pas été fait sans intention et on en trouve la preuve évidente dans la disposition qui ne donne plus aux artistes le privilège de la nomination Impériale.

Quant aux dignitaires du Bureau des Longitudes ; nommés aussi par l'Empereur, ils ne sont pas pris exclusivement parmi les membres titulaires, puisque le sécrétaire peut être désigné parmi les membres adjoints.

Jusqu'à présent, et dans les articles 2 et 3, on ne trouve d'autre infériorité des membres adjoints vis-à-vis des membres titulaires que celle qui résulte de la différence de leur titre, laquelle se traduit nécessairement, dans l'article 5, par une différence de traitement.

Cette situation n'a rien qui doive étonner : il est tout simple, en effet, que le gouvernement veuille, dans une Institution scientifique, établir deux catégories de titres et de traitements entre les membres de cette Institution et, encore bien qu'ils aient la même fonction, c'est le moyen de créer une certaine émulation, procurer un certain avancement, sans rendre les fonctions ou attributions différentes.

Ces premières inductions tirées du décret précité sont bientôt conformées d'une manière expresse par l'art. 4, lequel supposant le Bureau des Longitudes assemblé et ne distinguant en rien la cause et l'objet de l'assemblée, s'occupe du rôle que chacun est destiné à y remplir.

Or, cet article dit énergiquement que les adjoints "ont, comme les membres titulaires, voix délibérative dans toutes les questions".

Quant aux artistes, ils ont seulement voix consultative, telle est la volonté formelle de l'unique article qui règle les droits fonctionnels de chaque catégorie dans les délibérations, quelles qu'elles puissent être, du Bureau des Longitudes. Ici il n'y a pas d'équivoque, pas de doute, pas d'interprétation. Encore une fois la loi suppose le Bureau assemblé et dans toutes les questions qui relèvent de sa compétence ou de son service, les membres adjoints votent et délibèrent comme les membres titulaires. Devant des termes si clairs, si expressifs, si généraux, si absolus, personne n'a le droit de distinguer, car celui qui ferait une distinction ferait un décret autre que le décret de 1854 dont il refuserait de suivre la volonté si nettement manifestée. Au surplus, il est incontestable qu'on ne peut pas même supposer que le décret de 1854 ait perdu de vue la question spéciale des élections ; en effet, son article 2 s'exprime ainsi : "Les membres titulaires et les membres adjoints sont nommés par l'Empereur, conformément aux dispositions du décret du 9 Mars 1852".

Or, il résulte des articles 1er et 2 de ce dernier décret que, lorsqu'il s'agit d'une pareille nomination au Bureau des Longitudes, les membres de ce Bureau présentent deux candidats. Cette présentation constitue réellement une des attributions et des fonctions de ce Bureau ; elle est l'objet de ses délibérations. Le Décret de 1854, se référant à celui de 1852, n'ignorait donc rien de ce qui est relatif aux élections, et c'est en pleine connaissance de cause que, conférant aux adjoints comme aux membres titulaires voix délibérative dans toutes les questions, il a, par cela même investi ces membres adjoints du droit de délibération et de vote dans les présentations électives du Bureau des Longitudes.

Je n'ignore pas Monsieur le Maréchal et cher Collègue, la lettre de mon prédécesseur, M. Fortoul, en date du 23 Juin 1854 et qui admet non pas une doctrine, mais une conclusion contraire à la mienne. M. Fortoul, en effet, n'a point examiné la question au fond, en face des textes et au point de vue du respect scrupuleux auquel il faut se tenir dans l'interprétation des actes législatifs réglementaires. Il n'a donné aucune raison véritablement juridique, mais il s'est laissé entraîner par la supposition de certains inconvénients, ainsi, il a considéré, pour arriver à sa conclusion, la gêne de l'attitude des membres adjoints qui seraient eux-mêmes des candidats aux places vacantes de titulaires. Permettez-moi de dire, Monsieur le Maréchal et cher Collègue, que cette considération, ainsi que je viens de le démontrer, était parfaitement connue de l'auteur du décret de 1854, et qu'elle ne l'a pas touché. Cela devait être, car en fait, et dans l'espèce prévue par M. Fortoul, il est facile aux membres adjoints qui se trouveraient candidats de suivre la règle de convenance et de dignité toujours pratiquée en pareille occurrence et de s'abstenir ainsi de voter dans la délibération où il s'agit de la place par eux sollicitée. Je ne puis donc regarder cet obstacle comme sérieux, ni en la forme, ni au fond, et je n'hésite pas, Monsieur le Maréchal et cher Collègue, à partager votre opinion, et à proclamer que, suivant le vœu formel de l'article 4 du décret de 1854, le droit de vote et de délibération appartient aux membres adjoints pour la présentation des membres titulaires aux places vacantes. Une délibération prise en excluant les membres adjoints serait irrégulière et ne pourrait être acceptée.

2è question. Quel est l'ordre à suivre, pour le Bureau, dans la présentation des candidats destinés à remplir les vacances?

Evidemment, Monsieur le Maréchal et cher Collègue, l'ordre à suivre est celui que vous appelez très justement l'ordre chronologique, c'est-à-dire qu'on doit procéder dans l'ordre électif suivant l'ordre successif de l'ouverture des vacances. Cette solution est si naturelle que je n'ai pas besoin de la justifier. Plusieurs places de membres titulaires ont vaqué successivement dans le Bureau des Longitudes. Si ce bureau avait été mis en demeure de présenter des candidatures au moment même où leur nécessité était constatée, c'est-à-dire au moment où chacun des places devenait vacante, il est bien évident que c'est la vacance aujourd'hui la plus ancienne à laquelle il aurait été tout d'abord pourvu. Je ne vois pas, en vérité, quelle raison satisfaisante devrait faire changer actuellement cette manière de procéder. Il est vrai que plusieurs vacances se sont accumulées, mais cela n'empêche pas qu'elles ne se soient produites dans un ordre successif qu'il convient de respecter, lorsqu'il s'agit de pourvoir aux nominations. Je répète que cette solution est commandée par la pratique, par la justice et le bon sens : ainsi il faut procéder d'abord au remplacement de M. Largeteau, parce que M. Largeteau est décédé le premier, et l'on doit subordonner ensuite l'ordre des autres présentations à l'ordre du décès des titulaires.

Je désire, Monsieur le Maréchal et cher Collègue, pouvoir dans un bref délai, constituer le personnel complet du Bureau des Longitudes : permettez-moi donc d'exprimer le vœu que l'assemblée, en adoptant l'ordre que je viens d'indiquer, ne mette aucun délai entre ses présentations successives pour les membres titulaires : que ces présentations fassent l'objet d'un seul envoi et que je sois mis, de la sorte, en mesure de présenter à sa Majesté, après la liste de l'Institut reçue, un décret collectif remplissant toutes les vacances. Toute autre manière d'agir occasionnerait des lenteurs très regrettables, car je suis décidé, par des raisons de haute convenance et d'utilité spéciale vis-à-vis du Bureau des Longitudes, à ne pas procéder par voie de décrets successifs et individuels.

3è question. M. Breguet, artiste, membre du Bureau des Longitudes antérieurement au Décret du 30 Janvier 1854, doit-il voter pour la présentation des membres titulaires?

L'affirmative, Monsieur le Maréchal et cher Collègue, ne me paraît pas douteuse en présence de la disposition transitoire écrite dans l'article 25 au décret précité. M. Bréguet, antérieurement à ce décret, était membre du Bureau des Longitudes, et jouissait, à ce titre, de toutes les attributions d'un membre titulaire.

L'article 25 déclare que "les membres titulaires et adjoints du Bureau des Longitudes actuellement en exercice, conserveront leur titre et le traitement dont ils jouissaient antérieurement au présent décret".

Conserver son titre, c'est conserver nécessairement ce qui constitue ce titre, c'est-à-dire les prérogatives dont il est doué.

Le Décret de 1854 a voulu évidemment n'apporter aucune modification fâcheuse ou dommageable à l'état des divers membres qui constituaient alors le Bureau des Longitudes : il a voulu, comme disent les jurisconsultes, éviter le reproche de rétroactivité et conserver les droits acquis. Il est donc bien clair pour moi que la disposition finale de l'article 4 du même Décret, restreignant les artistes à la simple voix consultative, ne peut atteindre M. Bréguet formellement protégé par l'article 25 statuant transitoirement. Sur ce point encore, Monsieur le Maréchal et cher Collègue, se partage complètement votre opinion. Permettez-moi, du reste, d'exprimer le regret que le Bureau des Longitudes qui, d'ailleurs, a donné une juste interprétation au Décret de 1854, ne se soit pas préalablement adressé au Ministre de l'Instruction publique. Dans ces sortes de questions, le pouvoir exécutif est le meilleur interprète du sens des dispositions réglementaires qu'il a lui-même éditées : j'ajoute que dans les cas douteux, le concert préalable entre le Bureau et le Ministre de l'instruction Publique peut souvent éviter des erreurs, des délais, ou des difficultés et je n'ai pas besoin d'assurer au Bureau que je serai toujours empressé et heureux, de lui donner, en toutes circonstances, un concours loyal et dévoué.

Agréez, Monsieur le Maréchal et cher Collègue, l'expression de mes sentiments de haute et affectueuse considération

Le Ministre de l'Instruction publique et des cultes

Signé Rouland

Certifié conforme à l'original. Le Secrétaire Y.V

Type de document Procès-verbal
Président de la séance Vaillant, Jean-Baptiste Philibert (1790-1872 ; Maréchal)
Transcripteur Muller, Julien
Commentaires Ce procès-verbal est suivi de la copie d'une lettre.
Collection Registre 1860-1867 (copies)
Citer ce document “Procès-verbal de la séance du 31 juillet 1861”, 1861-07-31, Les procès-verbaux du Bureau des longitudes, consulté le 28 mars 2024, http://purl.oclc.org/net/bdl/items/show/10244

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