Procès-verbal de la séance du 15 janvier 1862

Procès verbal de la séance du 15 Janvier 1862

Présidence de M. Deloffre.

Le procès verbal de la séance précédente est lu et adopté.

M. l'Amiral Mathieu présente l'Annuaire des marées pour 1863. Il dépose quinze exemplaires. Un exemplaire sera adressé à M. le Directeur Général des postes, les autres sont distribués aux membres du Bureau : deux exemplaires seront déposés dans la Bibliothèque.

M. Y.V entretient le Bureau de la suite de ses recherches sur les chronomètres. En tenant compte des frottements et de la résistance de l'air et ayant égard aux chocs produit par la roue d'échappement, il a trouvé que l'intervalle des battements consécutifs d'un chronomètre pourvu d'un spiral isochrone et oscillant sous une température constante, ne diffère du double de la durée des oscillations qui auraient lieu en l'absence de toute résistance, que de quantités du 2^ème ordre, à l'exception d'une seule qui peut s'élever au 1^er ordre de petitesse. Le terme qui la représente est proportionnel aux résistances des pivots du balancier, à l'angle compris entre la position de cet organe à l'instant où il reçoit le choc de la roue d'échappement, et sa position d'équilibre, et en raison inverse du carré des amplitudes. Ce terme se réduirait effectivement au 2^ème ordre, si l'angle dont il s'agit était très petit. Le signe du terme donne lieu à une accélération du mouvement du chronomètre, quand le choc précède le passage du balancier par sa position d'équilibre et à un ralentissement dans le cas contraire. Or, il est notoire que le premier cas se rencontre seul dans la pratique. Ne pourrait-on pas trouver là l'explication du fait bien constaté que l'épaississement des huiles produit une accélération dans la marche des chronomètres ? M. Y.V a prouvé que malgré la variation d'intensité de la force motrice, le choc se produit dans une situation respective du balancier et de la roue d'échappement, qui reste sensiblement constante : l'angle dont on vient de parler est donc constant. M. Y.V propose de vérifier l'hypothèse, en observant la marche et les amplitudes d'un chronomètre dont les huiles seraient épaissies, dans trois conditions différentes relativement à l'intensité de la force motrice : on pourrait alors constater si l'accélération de la marche suit la raison inverse du carré des amplitudes.

M. Y.V a étudié les circonstances que présente le mouvement d'un chronomètre parvenu à l'état permanent, et il a trouvé certaines relations concernant l'échappement et qui pourraient être utilisées dans la pratique. Voici la plus importante :

Le balancier et la roue d'échappement étant dans des positions correspondantes au choc, soient a et a' les perpendiculaires menées respectivement du centre du balancier et de la roue d'échappement à la normale à la palette menée par le point de contact de la dent et de la palette ; ξ et ξ' les angles respectivement décrits par le balancier et la roue d'échappement, depuis le moment où celle-ci est dégagée jusqu'à l'instant du choc, on a

(a/a') = 2 (ξ/ ξ')

Cette relation permet de résoudre le problème suivant : étant donné arbitrairement la situation des deux organes à l'instant du choc, et la chute ξ' qu'on veut donner à la roue d'échappement, trouver la disposition correspondante de la détente. Inversement, étant données les disparitions de l'échappement, trouver les angles que décriront les deux organes depuis l'instant du dégagement de la roue d'échappement jusqu'à celui de leur rencontre. M. Y.V ne pense pas que l'on puisse déterminer ces angles sans le secours du calcul, ce qui lui fait craindre que l'on n'ait pas une notion suffisamment exacte de la grandeur de l'angle compris entre la position du balancier à l'instant du choc et sa position d'équilibre, angle que l'on ne peut connaître sans avoir obtenu l'angle ξ  ci-dessus. Or, on a dit que la grandeur de cet angle joue un rôle important dans la théorie des effets de l'épaississement des huiles.

Il est remarquable que la relation qu'on vient d'écrire soit indépendante des intensités des actions du spiral et du ressort moteur du rouage. Cela vient de ce que la relation précédente ne tient pas compte des petits termes qui seraient dus à l'action du choc, et à ce que le régime permanent implique certaines relations entre les vitesses.

La considération de l'angle de la position du balancier à l'instant du choc avec celle d'équilibre a conduit M. Y.V à reconnaître une cause d'altération du mouv^t des chronomètres à la suite des changements de température, que l'on ne paraît pas avoir cherché à combattre. Le mode actuel de fixation du spiral sur le châssis du chronomètre met en jeu les dilatations de deux métaux différents, d'où il suit que la figure du ressort ne reste pas semblable à elle-même et que la position d'équilibre du balancier change avec la température. Pour éviter cet inconvénient M. Y.V propose l'emploi d'une plaque d'acier munie d'une douille qui serait fixée concentriquement avec l'axe du balancier.

M. Y.V donne quelques détails sur la manière dont on peut s'y prendre pour déterminer le moment d'inertie du balancier, la force du spiral et leurs variations avec la température, dans le but d'obtenir les données nécessaires à la solution du problème de la compensation.

Une discussion s'engage entre M. Bréguet et M. Y.V sur quelques points traités par ce dernier : la suite de la discussion est renvoyée à une autre séance.

Le sécrétaire Yvon Villarceau