Procès-verbal de la séance du 3 juin 1863

Procès verbal de la séance du 3 juin 1863.

Présidence de M. l'amiral Deloffre.

M. Laugier, au nom de la commission précédemment nommée, lit le rapport suivant sur la proposition adressée à M. le Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture et du Commerce, par MM. Les Ingénieurs du département de Seine et Marne, de déplacer ou d'enterrer sur place, les deux massifs en pierres de taille établis sur la route impériale, n° 5, aux extrémités de la base de Melun.

"Commissaires : L. Mathieu ; Laugier, rapporteur.

"Dans sa séance du 27 mai 1863, le Bureau des Longitudes a reçu de M. le Ministre des travaux publics, de l'agriculture et du commerce, une lettre par laquelle son Excellence demande au Bureau son opinion touchant la proposition faite par MM. Les Ingénieurs du département de Seine et Marne, de déplacer ou d'enterrer les deux massifs en pierres de taille, établis sur la route impériale n° 5 aux extrémités de la base de Melun. Cette lettre est accompagnée du rapport de M. l'Ing^r ord^e et d'un plan des ronds points situés à la sortie de Lieusaint et à l'entrée de Melun.

La commission à laquelle le Bureau a renvoyé l'examen de cette question vient aujourd'hui présenter son rapport.

En lisant le rapport de M. l'Ing^r ord^e de Seine-et-Marne on s'aperçoit, dès les premières lignes, qu'il s'est mépris sur la destination de ces massifs en pierre. Il croit qu'ils appartiennent à une série de repères qu'on aurait établis de distance en distance, afin de perpétuer la trace de l'opération de la mesure de la méridienne et d'en permettre le renouvellement ultérieur. Or, le rôle de ces monuments dans cette mémorable opération géodésique, est d'une importance bien plus grande. On sait en effet que la Commission du système métrique composée des plus grandes illustrations scientifiques de l'époque, (Berthollet, Borda, Brisson, Coulomb, Delambre, Haüy, Lagrange, Laplace, Méchain, Monge, Prony, Vandermonde,) chargea deux de ses membres, Delambre et Méchain, de la mesure de la méridienne. La triangulation qu'ils ont effectuée, composée de 115 triangles, s'appuie sur deux bases d'environ 12,000 mètres chacune. L'une est la base de Vernet près Perpignan, l'autre est la base de Melun sur la route impériale n° 5. Ce sont ces deux bases mesurées avec toute la précision possible, au moyen de règles de platine construites par les artistes les plus habiles sous la direction de Borda, qui ont fait connaître conjointement avec la chaîne des triangles, la longueur de la portion du méridien terrestre comprise entre Dunkerque et Barcelonne [Barcelone]. Aussi la parfaite conservation de ces bases qui intéresse au plus haut degré la géodésie française, a-t-elle été, de la part des commissaires, l'objet de la plus vive sollicitude. Pour la base de Melun par exemple, une sous-commission composée de Laplace, Delambre, Prony, a arrêté le plan des constructions destinées à recouvrir les deux termes de la base. Chacun de ces termes ont un point marqué à la surface supérieure d'un cylindre de cuivre scellé en plomb dans un massif en pierre de taille. Ce massif est fondé sur le roc, et entouré d'un cadre rectangulaire élevé de 22 centimètres. Deux pierres scellées avec soin, en ciment, ont été recouvertes d'une pierre unique égale aux deux autres prises ensemble et dont la surface supérieure est taillée en pyramide triangulaire très écrasée. Pour protéger ces constructions contre le choc ou les ébranlements des voitures, on a placé de distance en distance, sur une partie circulaire du pavé, les bornes qui entourent les massifs. Grâce aux précautions qui ont été prises par les savants illustres qui faisaient partie de la Commission du système métrique, on pourra pendant bien longtemps encore, reconnaître les termes de la base et recommencer la mesure ; mais il est à désirer qu'une inscription gravée sur ces monuments, perpétue le souvenir d'une des plus belles opérations de la science nationale.

Ce sont ces monuments en pierre de taille, établis aux deux extrémités de la base de Melun, sur la route impériale n° 5, dont il est question dans le rapport de M. l'Ingni^r ord^re du dép^nt de Seine et Marne qui n'en connaissait pas la destination, et qu'on propose de déplacer ou d'enterrer sur place.

La Commission déclare que dans l'intérêt le plus sacré de la Science, il y a nécessité absolue de conserver religieusement, dans leur état actuel, les deux monuments qui fixent les extrémités de la base de Melun."

Ce rapport et ses conclusions sont mis aux voix et adoptés à l'unanimité.

Le Bureau décide qu'une copie en sera adressée à M. le Ministre des travaux publics, de l'Agr^re et du Commerce.

Appendice. 1. Comptes-rendus de l'Académie des Sciences, n° 21 ; 2. Annales de l'Observatoire de Bruxelles, T. 15 ; 3. Annuaire de l'Observatoire de Bruxelles ; 4. Climat de la Belgique ; 5. Variations annuelles de l'inclinaison et de la déclinaison magnétiques ; 6. Sur les variations météorologiques par M. Eo. Wouwerman [Wouwermans, Edouard ?] ; 7. Sur les étoiles filantes par MM. Herrick et Quételet ; 8. Bolide Observé dans soirée du 4 mars 1863 ; 9. Aurore boréale du 14 avril X^e 1862 ; 10. Sur les nébuleuses, sur l'hygrométrie, par M. Quételet ; 11. Sur le magnétisme et l'électricité pendant les orages par le P. Secchi et M. Quételet ; 12. Différence des temps entre Bruxelles et Berlin, sous le rapport de la végétation.

Signé : E. Laugier

Pour copie conforme, Le secrétaire Yvon Villarceau