[Lettre de Victor Cousin, ministre de l'Instruction Publique, au secrétaire du Bureau des Longitudes]

« Paris, le 29 avril 1840.

« Monsieur, je viens de recevoir de MM. Firmin Didot, imprimeurs, la lettre ci-jointe que j'ai l'honneur de communiquer à MM. les membres du Bureau des longitudes, et sur laquelle j'appelle toute leur attention. MM. Firmin Didot proposent au gouvernement de reprendre avec son aide la publication des tables logarithmiques de M. de Prony. Déjà en 1794, peu de temps après l'achèvement de ce grand travail, le gouvernement avait cru devoir passer avec la maison Didot un traité que les circonstances politiques de cette époque ne permirent pas d'exécuter et qu'il fallait résilier. Ce projet fut repris en 1819 ; et un gouvernement étranger parut alors disposé à partager les frais d'une publication dont le sujet offre un intérêt européen ; mais le gouvernement anglais ne poussa point cette négociation à bout ; et la mort de M. Blagden, charge de la suivre, interrompit entre les deux gouvernements des conférences au succès desquelles ils paraissaient cependant l'un et l'autre attacher la plus grande importance.

« Convient-il aujourd'hui de reprendre une publication de ce genre ? A-t-elle ce degré d'utilité scientifique qui appelle et exige l'appui du gouvernement ? Les tables logarithmiques dont on se sert actuellement ne sont-elles pas suffisantes ? Et les frais considérables de l'impression stéréotype des tables de M. de Prony seraient-ils compensés par les services qu'elles pourraient rendre ? Telles sont les questions que je crois devoir soumettre à MM. les membres du Bureau des longitudes. Je ne saurais m'adresser à des juges ici plus compétents ni plus illustres, et j'attends de leur concours tous les éclaircissements nécessaires pour que je puisse prendre une résolution qui satisfasse à la fois et les intérêts de la science, et ceux de l'administration.

« Agréez, Monsieur, l'assurance de ma haute considération. Le Pair de France, Ministre de l'Instruction publique, V. Cousin. »