Séance du 26 novembre 1879. Remarques de Mr Fizeau sur la communication de Mr Villarceau

Séance du 26 Novembre 1879

Remarque de M. Fizeau sur la communication de M. Villarceau.

M. Fizeau est loin de contester l'exactitude des déductions de son savant confrère. M. Villarceau dans les circonstances hypothétiques jugées par lui-même indispensables, notamment dans le cas où la capacité intérieure de l'instrument proposé resterait rigoureusement invariable avec le temps, et surtout dans le cas où il serait possible d'amener sûrement l'instrument tout entier à la température exacte de zero degré au moment de chaque observation. Cependant M. Fizeau ayant fait construire il y a une vingtaine d'années, pour des recherches analogues, un instrument d'essai tout-à-fait semblable à l'instrument proposé, et de plus ayant fait un assez grand nombre d'observations sur la marche et les propriétés de cet instrument (lequel existe encore dans son cabinet) il croit utile de signaler les difficultés principales qui, selon lui, se présenteront lorsqu'on voudra essayer d'employer, pour l'étude des variations de la pesanteur, un instrument construit d'après les principes dont il s'agit.

1° Changement probable dans la capacité intérieure avec le temps, par l'effet des mouvements moléculaires auxquels le verre est sujet. C'est la même cause que celle qui produit le déplacement bien connu du zero dans les thermomètres à mercure ; ce qui peut permettre de prévoir le sens et l'ordre de grandeur des erreurs qui peuvent en résulter.

2° Grande sensibilité aux changements de température résultant de la grandeur des coefficients de dilatation du mercure et du gaz (air ou azote) qui occupe la chambre inférieure de l'instrument. En réalité celui-ci consiste en un baromètre dont la communication ordinaire avec l'atmosphère a été supprimée, et qui n'est plus influencé que par les changements de la température (c'est un véritable thermomètre), et aussi mais à un faible degré par les variations de la pesanteur. Ces dernières variations ne pourraient être étudiées ainsi avec succès, qu'en se mettant rigoureusement à l'abri des incertitudes sur la température, par exemple en plaçant l'appareil tout entier dans la glace fondante, avec toutes les précautions requises pour obtenir exactement la température de zero, pendant les observations. Mais il est fort douteux qu'un appareil de cette dimension puisse être maintenu de cette manière à zero avec une exactitude de plus 0°,1 ou 0°,2, précision sans doute insuffisante, sans parler des difficultés des mesures au milieu de la glace fondante.

3° Altération probable de la surface du mercure par contact prolongé avec le gaz de la chambre inférieure, combinaison ou dissolution qui empêcherait l'appareil de rester comparable à lui-même.

4° Influence probable de l'électricité, dont le développement dans le vide barométrique par le mouvement de la colonne de mercure a été souvent signalé. Ce phénomène assez irrégulier et peu connu donnera lieu, sans doute, à des attractions ou répulsions accidentelles, qui ne peuvent manquer de nuire à la rigoureuse exactitude des mesures de hauteur de la colonne de mercure ; celle-ci devant nécessairement éprouver des oscillations pendant le transport de l'instrument d'un lieu à un autre. Ce transport présentera de plus toutes les difficultés bien connues que l'on éprouve lorsqu'on veut transporter un baromètre de précision dans un lieu éloigné, sans que l'instrument éprouve aucune modification.

H. F.