Les procès-verbaux du Bureau des longitudes

Etude sur la possibilité d'employer utilement les régulations isochrones à la détermination de la pesanteur par Mr Yvon Villarceau

Titre Etude sur la possibilité d'employer utilement les régulations isochrones à la détermination de la pesanteur par Mr Yvon Villarceau
Créateur Yvon Villarceau, Antoine Joseph François (1813-1883)
Contexte Volume 1876-1880
Date 1880-07-21
Identifiant O1876_1880_262
Relation O1876_1880_261
Format 20 x 31,6 cm; image/jpeg;
Éditeur Bureau des longitudes; Observatoire de Paris; Laboratoire d'Histoire des Sciences et de Philosophie - Archives Henri Poincaré (UMR 7117 CNRS / Université de Lorraine);
Droits CC BY-SA 3.0 FR
Type Manuscrit; Text; Etude;
Description

[en marge : à annexer au procès verbal du 21 Juillet 1880]

Etude sur la possibilité d'employer utilement les régulateurs isochrones à la détermination de la pesanteur.
Par Monsieur Yvon Villarceau

Les résultats obtenus en dernier lieu, dans la construction et le réglage de nos régulateurs, et qui font l'objet de la communication du 28 Juin 1880 à l'Académie des Sciences, laissent entrevoir la possibilité d'employer ces appareils à la mesure de la pesanteur relative.

Notre théorie des régulateurs isochrones a été établie en négligeant diverses causes perturbatrices, dont on pourrait ne pas tenir compte, eu égard à la destination primitive de ces appareils.

Pour faire comprendre plus aisément l'application que nous avons en vue, nous continuerons un instant de faire abstraction des causes perturbatrices, et nous écrirons la formule fondamentale qui lie la vitesse de régime Ω à la gravité g au lieu (L) ; cette formule est

[barré : (1)] gtangφ=Ω²ζ

ζ désignant la distance des points d'articulation, sur l'axe vertical central, des systèmes oscillants, à ce même axe, et φ un angle qui ne dépend que de la distribution des masses dans les systèmes.

Imaginons l'appareil transporté dans un autre lieu (L') où la gravité est g', l'observation fera connaître la vitesse de régime Ω' en ce lieu, et l'on aura :

g'tangφ=Ω'²ζ :

les valeurs de φ et de ζ restant les mêmes, on déduit de cette relation, et de la précédente

g'/g= Ω'²/ Ω².

Dans ces conditions abstraites, le rapport g'/g se trouve exprimé d'une manière très simple au moyen des vitesses Ω' et Ω.

Indiquons actuellement les causes perturbatrices qui ont été négligées ; ce sont : 1° la pression atmosphérique, considérée au point de vue de la perte de poids des organes ; 2° la masse d'air restant adhérente aux surfaces et entraînée dans le mouvement du régulateur ; 3° les variations de dimension des organes dues aux changements de température. (Nous ne faisons pas figurer ici les variations de la résistance de l'air, attendu que cette résistance est éliminée de nos équations, comme ne produisant aucun travail dans le mouvement relatif des systèmes oscillants.)

Nous pouvons, sans reprendre la théorie générale, tenir compte des influences négligées, il nous suffit de considérer que, dans le produit gtangφ, le facteur g a été introduit uniquement par les poids mg des organes de masse m : il est clair, dès lors, que l'on aura égard à l'effet de la pression statique de l'atmosphère, si l'on change chaque mg en mg(1 – (densité de l'air)/(densité de m)).

On voit par là, que, si la masse d'air entraînée ne subissait aucune contraction ou dilatation, son effet serait absolument nul, on pourra, quoiqu'il en soit, lui réserver un terme de la forme précédente, dans la [barré : représentée] somme représentée par gtangφ.

En réunissant les divers termes de cette somme ainsi modifiée, on aura g en facteur commun de tous ces termes, et le résultat sera de la forme gf(D), en désignant par f(D) une fonction de la densité D de l'air ambiant, c'est-à-dire une fonction de la température, de la pression et de l'état hygrométrique de l'air. Or la fonction f(D) contient les dimensions linéaires des diverses parties des systèmes, oscillants ; elle se trouve par conséquent dépendre, à un nouveau titre, de la température : la dimension ζ dépend également de cette variable, en vertu de la relation (1).

Si donc, nous tirons de cette relation la valeur de 1/Ω, le résultat sera égal à 1/g multiplié par une nouvelle fonction F des mêmes variables. Pour nous rapprocher des conditions expérimentales où la quantité observée est la durée T de la relation du régulateur, nous substituerons T à 1/Ω et nous aurons T=1/gF

La fonction F dépend, avons-nous dit, de trois variables, la température, la pression et l'état hygrométrique de l'air : cette fonction est ainsi absolument indépendante de la gravité g : Nous désignerons la température par Ʉ, le degré de l'hygromètre par H ; quant à la pression, étant obligé d'en emprunter la mesure au baromètre et cette mesure n'ayant de sens que si l'on spécifie la gravité correspondante, nous désignerons par B la hauteur du baromètre ramenée à ce qu'elle serait au lieu (L) ; en sorte que si l'on veut utiliser une observation B' du baromètre faite au lieu où la gravité est g' on doit faire

B=(g'/g)B'

Ceci posé, nous pourrons écrire

T=(11/g)F(ϴ, B, H)

Développons F et soient ϴ0, B0, H0, des valeurs arbitraires de ϴ, B et H, nous aurons

[formule mathématique]

Posons d'ailleurs

[formules mathématiques]

l'expression de T pourra s'écrire

[formules mathématique]

Cette relation va nous permettre d'obtenir les valeurs des constantes T0, a, b, c… spéciales à un lieu donné, où la gravité est g. En effet, concevons qu'en ce lieu, on ait le moyen de produire à volonté un état de l'air ambiant, caractérisé par des valeurs de ϴ, B, H, prises à volonté, entre des limites données, et que l'on observe la valeur de T correspondante à chacun de ces états, l'équation (5) permettra d'écrire autant d'équations de condition que l'on aura observé de valeurs de T et d'en déduire celles des constantes T0, a, b, c… spéciales à ce lieu (L).

Si l'on fait un nombre d'observations suffisamment grand, par rapport au nombre des constantes dont il soit nécessaire de tenir compte on pourra comparer chaque T observé à son expression (5) et en appliquant aux différences les règles du calcul des probabilités, on obtiendra l'erreur moyenne d'une détermination de T.

L'application du régulateur à la mesure de la gravité, suppose que cet appareil est doué d'une grande stabilité ; c'est ce qu'il sera facile de vérifier, si, au retour d'expéditions géodésiques en divers lieux (L') on effectue au lieu de départ (L) une nouvelle détermination des constantes T0, a, b, c… : il faudra que les différences respectives entre ces dernières et celles observées au départ soient négligeables.

Voyons maintenant comment s'obtiendra la valeur du rapport g'/g des intensités de la pesanteur aux lieux (L') et (L). Soient : T' la durée de la rotation observée au lieu (L'), ϴ', B', H', les valeurs correspondantes de ϴ, B, H, telles qu'elles résultent de l'état naturel de l'atmosphère en ce lieu. (Nous indiquons plus loin les précautions à prendre pour tenir compte des variations qui peuvent se produire pendant la durée des observations), nous aurons, en appliquant l'équation (4) à ces conditions, et ayant égard à (3),

[formule mathématique],

équation où il reste à mettre la valeur de la fonction F.

Or cette valeur va nous être fournie par l'équation (5) en y mettant les valeurs ϴ', (g'/g)B', [barré : B'], et H', de ϴ, B et H : nous aurons donc

[formule mathématique]

d'où finalement

[formule mathématique]

On résoudra cette équation en faisant d'abord (g'/g)=1 dans le 2e membre, et substituant ensuite la valeur qu'on aura ainsi obtenue.

Il est visible que la { } de cette expression est la valeur de T que l'on obtiendrait au lieu (L) sous l'influence des température, pression et état hygrométrique de l'air observés au lieu (L').

En résumé, l'application de nos régulateurs à la mesure de la gravité relative, exigera qu'en un lieu (L), on détermine les constantes T0, a, b, c… spéciales à ce lieu, au moyen d'équations de condition de la forme (5) où l'on mettra les valeurs correspondantes de T, ϴ, B, H : puis que l'instrument étant transporté au lieu (L'), on y observe les valeurs de T', ϴ', B', H'

Au moyen de ces valeurs l'équation (6) fournira celle de √(g'/g) et par suite, de g'/g.

Disons un mot des précautions à prendre dans les observations.

La détermination des constantes T0, a, b, c… spéciales au lieu (L) exigera évidemment que le régulateur soit placé sous le récipient d'une machine pneumatique devant contenir en outre un thermomètre et un hygromètre. La capacité et la forme du récipient auront sans doute quelque influence sur la masse d'air entraînée, il est dès lors évident que, partout ailleurs, il sera nécessaire d'installer le régulateur sous une enveloppe ayant intérieurement la même figure que le récipient employé au lieu (L) il faudra aussi que les appareils accessoires y occupent, par rapport au régulateur, des positions identiques.

Pour se mettre à l'abri des erreurs d'isochronisme provenant soit d'un réglage imparfait, soit de ce que l'isochronisme ne peut être rigoureusement réalisé, que pour un état physique déterminé il conviendra de s'assujétir à ne faire fonctionner l'instrument, que dans la position α des ailettes où il a la marche la plus régulière.

A cet effet, le moteur consistera en un ressort uni au rouage d'horlogerie par une chaîne enroulée sur une fusée, et la tension du ressort sera réglée de manière à réaliser, au moins approximativement, l'angle α que l'on aura adopté.

Supposons que l'appareil puisse fonctionner pendant 30m environ : on pourra en remontant le ressort, faire une seconde série d'observations, qui ne sera séparée de la première, que par le temps nécessaire pour renouveler le papier du cylindre enregistreur ; en sorte que les deux séries n'exigeront guère que 1h10m à 15m. Nous estimons que pendant un tel intervalle, l'état de l'atmosphère peut être supposé varier d'une manière uniforme.

Ceci admis, sous réserve de vérification, on fractionnera les diagrammes obtenus, en 5 ou 6 sections égales et qui embrassent par conséquent 6 ou 5 minutes chacune et l'on en déduira les valeurs correspondantes de T'. Si l'on prend alors la moyenne des T' fournie par la première section de la 1ère série et la dernière de la seconde, puis la moyenne de la 2e section de la première série et de l'avant-dernière de la seconde, et ainsi de suite pour les autres, ces diverses moyennes seront affranchies des effets dûs aux variations de l'état de l'air ambiant : en comparant chaque moyenne avec la moyenne générale, on aura, suivant les règles de la théorie des probabilités, l'erreur moyenne des T' fournis par un couple des sections considérées et l'on en déduira l'erreur de la moyenne générale de T'.

Enfin, les valeurs des variables, ϴ', B', H', correspondantes à cette moyenne générale seront les moyennes de leurs valeurs respectives au commencement de la 1ère série et à la fin de la 2ème.

Il va sans dire, que l'observation des mêmes variables, entre les deux séries, permettra de vérifier si la régularité des [barré : ces] variations est telle qu'on l'a supposée.

Dans tous les cas, il suffirait d'un peu d'attention, pour choisir l'heure du jour ou de la nuit où cette régularité est le plus approximativement réalisée dans la station (L') où l'on ne dispose pas à volonté des variables ϴ, B, H.

Nous avons indiqué dans la note rappelée ci-dessus, deux moyens d'atténuer l'erreur provenant du jeu des pivots dans les articulations, l'un consistant à employer des régulateurs à trois ailettes l'autre à augmenter la dimension ζ.

Voici les résultats d'une étude sur ce dernier point :

Etant proposé d'obtenir, au moyen d'une double série, une exactitude égale à celle des observations du pendule à reversion, continuée pendant une heure et supposée égale à 1/18000, et admettant que toutes les erreurs du régulateur se réduisent à celle de la variation d'excentricité des articulations ou de la distance ζ, nous trouvons qu'il suffirait que ζ n'excède pas ± (1/567)m/m, avec les régulateurs du Ve type, auxquels se rapporte la note du 28 juin.

Il ne nous parait pas impossible de maintenir sans avoir à augmenter la valeur de ζ, l'excentricité moyenne entre de telles limites.

L'emploi de l'excentrique doit d'ailleurs contribuer notablement à l'y ramener.

Tout semble favorable à un projet d'application de nos régulateurs à la détermination de la gravité relative : le point essentiel sur lequel l'expérience doit décider, est de vérifier si, dans les mêmes conditions de température, pression et humidité de l'air, la durée de rotation de l'appareil en un même lieu, se reproduit sans trop de discordances.

Nos régulateurs n'étant, ni très volumineux ni trop dispendieux, on pourrait en faire voyager trois ou quatre, comme on le fait à l'égard des chronomètres. S'il survenait quelques dérangement dans l'organisme de l'un d'entre eux, on en serait averti par la comparaison des valeurs de g'/g qu'il fournirait, avec celles qu'auraient donné les appareils non dérangés et qui devraient s'accorder entr'elles.

Le même cylindre enregistreur et le même mouvement d'horlogerie serviraient au fonctionnement des divers régulateurs.

Quant aux chances de dérangement, elles nous paraissent beaucoup moindres que celles auxquelles les chronomètres sont sujets, en raison des faibles dimensions de leurs organes, et du mode de construction et d'assemblage des pièces de ces instruments délicats.

Régulateurs isochrones Y.V.

Note adressée au Bureau des Longitudes par son auteur

Type de document Procès-verbal
Transcripteur Muller, Julien
Commentaires Numéroté de 1 à 9.
Collection Volume 1876-1880
Citer ce document “Etude sur la possibilité d'employer utilement les régulations isochrones à la détermination de la pesanteur par Mr Yvon Villarceau”, 1880-07-21, Les procès-verbaux du Bureau des longitudes, consulté le 19 avril 2024, http://purl.oclc.org/net/bdl/items/show/3508

Item Relations

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