[Lettre de Pierre Brazza à Antoine d'Abbadie]

Paris le 20 Juin 1888

Cher Monsieur d'Abbadie,

En réponse à vos questions, je m'empresse de vous dire que l'idée de mesurer un arc du méridien dans le Congo français me semble très praticable, si on fait ce travail au nord de Brazzaville et dans les environs de son méridien. On pourra y mesurer aisément quatre degrés, peut-être sera-t-il possible d'en faire un 5^e, mais je ne connais pas assez le dernier qui est plus septentrional. Des terrains élevés et plats, s'étendant dans le sens est et ouest, permettraient de mesurer des bases perpendiculaires à l'arc principal. La hauteur de ces plateaux est d'environ 800 mètres au-dessus de la mer, par conséquent hors du [barré : territoire] domaine des fièvres qui sévissent dans les contrées basses.

Pour moi, qui suis préoccupé d'établir dans ces pays l'influence de la France, je vois surtout, dans votre projet, deux avantages : d'abord on ferait une partie de la carte qui ne consiste encore qu'en itinéraires [mot barré] <et> levés sommaires. En second lieu, cet arc du méridien servirait par sa chaine de triangles comme une base pour fonder la carte de tout le pays, et on la continuerait, à loisir, par la géodésie expéditive, de manière à n'avoir pas besoin, pendant plusieurs années, de la corriger par des procédés plus exacts

Ce travail et tous ceux qui peuvent s'y rattacher, nous permettront de bien connaître ces régions où notre influence s'affirme de plus en plus.

Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de mon respectueux dévouement.

P.S. Brazza