[Note de Léon Bassot]

[en rouge : à joindre au p.v. du 5 septembre 1888]

M. Bassot annonce au Bureau que les observations géodésiques, relatives à la mesure de la nouvelle méridienne de France, viennent d'être terminées.

Il a tenu à ce que le Bureau des Longitudes, qui a pris l'initiative de cette vaste entreprise et en a provoqué l'exécution par le remarquable rapport que M. Faye adressa, en 1869, au Maréchal Niel, alors ministre de la Guerre, fut informé le premier de ce fait important.

Les opérations ont commencé en 1870 ; elles furent confiées au début à M. Perrier : M. Bassot lui, était adjoint. Interrompues la même année par la guerre franco-allemande, elles furent reprises en 1871, pour continuer pendant les années 1873-74-75-78-79 1882-83-87 et 88 : M. Perrier fit presque toutes les observations jusqu'en 1875 ; à partir de 1878, M. Bassot remplaça M. Perrier comme directeur des travaux sur le terrain, et, avec le concours de M. Defforges, poursuivit l'enchaînement jusqu'à sa complète exécution.

La triangulation fut conduite du sud au nord, en partant de la Base de Perpignan. Dans la région comprise entre [barré : Perp] les Pyrénées & Rodez, qui avait été triangulée par Méchain, on retrouva presque tous les anciens sommets et le nouveau [mot barré] <canevas> diffère peu de celui de Méchain ; on se rattacha au réseau espagnol, à la chaîne des Pyrénées, à la chaîne du littoral méditerranéen et au parallèle de Rodez.

Entre Rodez & Dunkerque, la chaîne établie par Delambre a dû être abandonnée ; la plupart des repères ont disparu ou sont constitués par des clochers ou monuments dans lesquels il parut impossible de s'établir, avec les instruments adoptés, pour y faire des mesures de haute précision ; le nouvel enchaînement a été constitué en vue d'obtenir les meilleurs formes de triangles, condition que Delambre n'avait pû réaliser. Entre Gien et Fontainebleau, et au passage de la Somme, les difficultés du terrain ont rendu la formation du canevas particulièrement laborieux ; pour obtenir des vues, il fallut s'élever au dessus du sol à des hauteurs qui ont varié de 15 à 30 mètres. On n'a pû se relier qu'au Parallèle moyen et au Parallèle d'Amiens ; les jonctions avec le Parallèle de Bourges et avec le Parallèle de Paris nécessitent des triangulations spéciales, qui seront exécutées ultérieurement.

Toutes les observations ont été faites avec le cercle azimutal à 4 microscopes des frères Brunner, dont le limbe a 42 cent. de diamètre et qui est pourvu d'un fil mobile à l'oculaire ; avec cet instrument, l'erreur moyenne d'une direction isolée [barré : est] ne dépasse pas ± 5 secondes centésimales.

En chaque station on a mesuré les directions par tour d'horizon et l'on a fait 20 séries, correspondant à 20 origines équidistantes du limbe ; toutes les directions ont le même poids. On a toujours tous les sommets visibles, pour obtenir des directions supplémentaires de vérification.

On a fait <constamment> usage, comme points de mire, de signaux lumineux produits, soit par des miroirs héliostats pendant le jour, soit par des collimateurs optiques à lampe de pétrole pendant la nuit. [barré : La pratique des observations de nuit a donné d'excellents résultats] L'enchaînement, depuis les Pyrénées jusqu'à Dunkerque, comprend 88 stations, avec 475 directions observées. Le nombre total de triangles possibles est de 186 ; il existe 25 polygones ou quadrilatère ayant des directions supplémentaires ; ces figures une fois compensées, le nombre de triangles nécessaires au calcul de la chaîne se trouve réduit à 61.

Sur les 88 stations, M. Perrier en a exécuté 36, M. Bassot 32, M. Defforges 14.

Le réseau s'appuie actuellement sur les 2 Bases de Perpignan & de Melun, mesurées par Delambre. En partant de la première, le calcul provisoire des triangles donne pour la Base de Melun une longueur qui ne diffère que de 0^m,20 de la longueur mesurée. Une autre Base a été établie entre Villejuif et Juvisy, pour être mesurée avec le nouvel appareil bimétallique en cuivre et platine ; une nouvelle base de vérification sera fixée au nord près de Dunkerque, sur la route de Cassel à Vormoudt [Wormhout] ; ces deux bases ont environ 7 kilom. et demi de longueur.

Des observations astronomiques ont été déjà faites à Carcassonne, Rodez, le Puy de Dôme, Saligny-le-Vif, Paris et Rosendaël-les-Dunkerque ; de nouvelles stations sont prévues de manière à porter à dix au moins le nombre des sommets déterminés astronomiquement.

Au Sud, la nouvelle méridienne est reliée à la triangulation de l'Espagne par le côté Forceval-Canigou ; au nord, elle aboutit au côté Cassel-Harlettes, qui a servi de base pour le réseau de jonction de la France avec l'Angleterre. Elle [barré : est] a été également soudée à la triangulation belge par le côté Cassel-Kemmel.

Son réseau peut <donc> être prolongé par les triangulations anglaise et espagnole et s'étendre même, grâce à la jonction hispano-algérienne, jusqu'aux confins du Sahara algérien ; on obtiendra ainsi un grand arc méridien qui partira des îles Shetland, traversera l'Angleterre, la France, l'Espagne et l'Algérie pour aboutir à Laghouat, atteignant ainsi un développement de près de 28° ; cette longue chaîne peut fournir un vaste champ de recherches et d'investigations utiles pour l'étude de la forme et des dimensions du globe terrestre.

Communiqué au Bureau des Longitudes dans la séance du 5 Septembre 1888.