Note sur le projet de confection de nouvelles cartes magnétiques ou globe

[en rouge : Pièce annexée au procès-verbal de la séance du 9 janvier 1895.]

Paris, le 10 Janvier 1895

Note sur le projet de confection de nouvelles cartes magnétiques du globe.

C'est à la France que revient l'honneur de la publication des premières cartes magnétiques générales construites, il y a plus d'un demi-siècle, par le Capitaine de frégate Duperrey, au retour de ses voyages de circumnavigation

Depuis cette époque, et dans ces dernières années surtout, l'étude du magnétisme terrestre, intimement liée à celle des phénomènes les plus intéressants de la physique du globe, a pris un large essor en Europe et dans les Etats-Unis d'Amérique. Toutefois, les cartes publiées jusqu'à ce jour dans les pays étrangers ne reposent que sur des déterminations d'une étendue circonscrite, qu'il a fallu compléter au moyen des résultats incertains provenant d'interpolations dans le temps et dans l'espace. Un travail d'ensemble, répondant aux progrès de la science et aux perfectionnements des instruments actuels, exige des observations nombreuses, convenablement réparties dans toutes les régions, effectuées à des époques aussi rapprochées que possible, avec des instruments semblables et des méthodes uniformes, dans des conditions enfin qui en assurent le rapprochement et la coordination.

Le Bureau des Longitudes, fidèle à ses traditions s'est préoccupé avec une constante sollicitude de cette importante question. Dans ce but, il a profité de la création de son observatoire à Montsouris, pour faire enseigner et pratiquer, d'une façon suivie, à tous les officiers de Marine et aux voyageurs qui fréquentent cet établissement, les méthodes destinées à mesurer les éléments du magnétisme terrestre

Des instructions détaillées ont été rédigées sous les auspices du Bureau qui, depuis quinze ans, a publié dans son Annuaire, en même temps que la Carte magnétique de la France, les valeurs mesurées par les officiers de Marine a diverses époques et dans différentes parties du monde.

Ces résultats de grande précision, sont un sûr garant de la haute valeur qu'aurait le travail d'ensemble exécuté dans les conditions projetées par le Bureau des Longitudes avec le concours de la Marine

L'étude du magnétisme terrestre sollicite en effet directement l'attention et l'intérêt de nos officiers : l'ancienne boussole, le compas du bord est devenu de nos jours un véritable instrument scientifique dont le maniement et l'emploi judicieux exigent des connaissances spéciales. Ce n'est plus la déclinaison seulement qu'il importe de connaître. Les autres forces magnétiques interviennent aussi dans le réglage et la correction des compas et l'on peut être certain que les officiers de Marine, qui connaissent toute l'importance pratique et scientifique qui s'attache à une refonte générale des cartes magnétiques du globe, seront heureux de contribuer, avec leur zèle et leur désintéressement accoutumés, à cette grande entreprise.

Il suffirait de leur fournir les instruments dont l'achat représenterait une dépense de 35 000 francs la seule d'ailleurs nécessaire pour l'accomplissement du projet.

Quatre ou cinq séries de boussoles, convenablement réparties dans nos stations navales, permettraient d'embrasser simultanément une surface considérable de la terre ; les résultats obtenus ainsi pendant deux ou trois ans d'observations, joints à ceux que l'on se procurerait, pendant la même période, dans tous les observatoires permanents, constitueraient une moisson de documents assez riche pour assurer la réalisation de cette œuvre digne de la science française.

En résumé, Monsieur le Ministre, si les pouvoirs publics veulent bien consentir à ce léger sacrifice. Notre pays pourra bénéficier des longues études préparées par le Bureau des Longitudes et du zèle de nos officiers de Marine qui n'attendent que ces instruments pour exécuter ce beau travail dont la publication, au moment de l'Exposition internationale de 1900, nous ferait certainement le plus grand honneur.

Le Capitaine de Vaisseau,

Membre du Bureau des Longitudes.

Signé : de Bernardières.