[Note d'Anatole Bouquet de la Grye relative à l'Extrait de la Connaissance des Temps]

6 mai 1901

Dans la dernière séance du Bureau des Longitudes, un de nos collègues, à propos de la suppression des distances lunaires a fait la critique de l'Extrait de la Connaissance des temps et aussi de cette dernière publication en ce qui concerne son emploi à bord des navires.

Montrant un exemplaire de la Connaissance des temps datant d'une quarantaine d'années il a indiqué que ce volume était mieux approprié aux besoins des marins que les dernières éditions.

Comme il ne manque dans les récents volumes aucune des anciennes données notre collègue a fait remarquer que les caractères actuels sont trop petits pour être lus facilement dans les [barré : cabines] chambres de bord et comme on ne peut les modifier dans la Connaissance des temps déjà bien volumineuse il demande tout d'abord que l'impression de l'Extrait soit modifiée dans ce sens.

Cette critique [barré : de la grosseur] du faible module des caractères d'imprimerie dans les publications de la marine a été souvent faite au comité hydrographique, plusieurs amiraux ou capitaines de vaisseau ont demandé de grossir notamment les chiffres des sondes sur les cartes.

D'une façon générale c'est une question d'âge, en vieillissant on devient quelque peu presbyte et si la question a été écartée à l'heure actuelle en ce qui concerne les Commandants chargés de donner la route sur une carte, je crois qu'elle ne devrait pas être posée pour les éphémérides. Les officiers des montres sont tous jeunes ; d'ordinaire c'est le dernier [barré : venu] au tableau qui est chargé de ce rôle, et si les autres officiers du quarré interviennent aucun d'eux n'a d'ordinaire dépassé la quarantaine.

Il suffit d'ailleurs de consulter les registres des observations, journaux contenant les calculs de chaque jour à bord qui sont envoyés au service hydrographique pour voir que l'écriture est d'ordinaire du plus petit module.

D'ailleurs <la diminution de> la grandeur des caractères d'imprimerie est un fait d'ordre général dans toutes les publications et, pour en fournir la preuve, il suffit de comparer le petit journal [barré : lu] mis entre les mains d'un million de lecteurs aux publications analogues datant du milieu du dernier siècle.

La modification proposée ne me paraît donc pas pouvoir être acceptée par le Bureau, elle n'a jamais d'ailleurs été demandée par les personnes intéressées.

Notre collègue désire que l'Extrait puisse à bord, dans toutes les circonstances, remplacer la Connaissance des temps, que son prix modique soit conservé pour figurer dans les [barré : bibli] livres de tous les officiers, une seule Connaissance des temps étant donnée à bord par quarré. Par suite les modifications suivantes en dehors de la grosseur des caractères devraient être apportées à l'Extrait.

1° Il conviendrait de supprimer l'ascension droite des astres

2° Il serait utile d'imprimer les positions moyennes des 400 étoiles de la Connaissance des temps

3° On donnerait les positions d'une [barré : centaine] <trentaine> d'étoiles de 10 en 10 jours

4° Il faudrait ajouter [barré : une] <deux> colonnes aux positions de la Lune donnant la variation seconde en ascension droite et déclinaison

5° Il conviendrait en outre de donner de jour en jour les positions des planètes [choisies ?]

6° Enfin il faudrait modifier quelques tables.

1° Supprimer d'une façon générale les ascensions droites pour tous les astres sauf naturellement pour les étoiles, c'est admettre a priori que l'emploi du temps sidéral ne sera jamais usité à bord des navires, comme il l'est dans tous les observatoires.

Le temps vrai de jadis donné par toutes les horloges jusqu'à la fin de la restauration a cédé sa place au temps moyen qui est un temps fictif. Je suis persuadé qu'il disparaîtra à son tour à bord en ce qui concerne les besoins astronomiques car le temps vrai y règne pour la vie de chaque jour. L'opinion de MM. de Magnat et Fleuriais autant qu'il m'en souvient était favorable à l'emploi du temps sidéral qui simplifiait les calculs et comme pour ces officiers l'utilisation des étoiles deviendrait bientôt prépondérante le temps qu'elles indiquent s'imposerait.

On a objecté contre son emploi la possibilité de se tromper d'un jour mais à terre aucun astronome n'a commis pareille erreur.

Supprimer les ascensions droites c'est faire un pas en arrière ou pour mieux dire empêcher un progrès dans la navigation et se préparer des déceptions pour l'avenir.

2° La publication de 400 positions moyennes d'étoiles ne me parait pas avoir d'intérêt. A bord on n'a jamais songé à utiliser des étoiles au-dessous de la 3^ème grandeur et en ajoutant 5 ou 6 aux quarante [mot barré] données dans l'Extrait pour combler quelques vides dans la région équatoriale on ira au devant de toutes les réclamations.

3° La troisième modification a trait aux positions des étoiles qui dans l'Extrait sont données de soixante en soixante jours et qu'il conviendrait de fournir de 10 en 10 jours.

Pour apprécier l'avantage qui en résulterait ou plutôt pour connaître l'erreur commise en se servant des chiffres de l'Extrait j'ai tracé sur du papier quadrillé les ascensions droites et les déclinaisons d'étoiles équatoriales et j'ai comparé les résultats avec ceux de la Connaissance des temps. L'erreur va une seconde d'arc pour la déclinaison et a 0^s,15 pour l'ascension droite.

Ces chiffres n'ont aucune importance en ce qui concerne l'emploi des étoiles pour la détermination de l'heure ou de la latitude mais en ce qui concerne les distances lunaires il y a lieu de l'examiner en détail. Le Bureau des Longitudes a décidé la suppression des distances, en temps qu'offertes toutes calculées aux marins, la Connaissance des temps offre des données pour tous les astres assez approchées pour que ce calcul soit fait avec une grande exactitude lorsque le marin par un grand hasard en aura besoin. L'Extrait offre-t-il les mêmes avantages, dans le cas bien plus rare encore ou un capitaine marchand sera forcé d'y avoir recours.

Examinons tout d'abord la mesure même de la distance :

Avec un sextant je ne crois pas que cette mesure puisse être obtenue avec une erreur absolue moindre que 20".

Si donc la distance calculée offre une approximation du tiers de ce chiffre, on pourra se déclarer satisfait.

Or en ce qui concerne les déclinaisons, les erreurs commises dans les positions des deux astres sont sans grand effet sur les distances. Nous avons dit que les étoiles elles ne dépassent pas une seconde d'arc pour le soleil elles sont nulles nous verrons tout à l'heure que pour la lune, elles sont très faibles, il n'y a donc à compter que sur les différences d'ascension droite dont les erreurs sont à peu près celles mêmes des distances.

Pour les étoiles nous avons dit que l'erreur peut atteindre 0^s,15 pour le soleil elle est nulle, voyons ce qu'il advient pour la lune.

J'ai pris dans l'Extrait de 1896 les ascensions droites de 6 en 6 heures les variations successives d'heure en heure et j'ai interpolé avec ces variations en tenant compte du sixième de la différence et faisant le calcul obtenu pour le 1^er et le 15 janvier où les différences des variations sont grandes le tableau suivant

L'erreur maximum étant inférieure à 0^s,1 nous sommes donc pleinement rassurés en ce qui concerne l'ascension droite.

Pour les déclinaisons on a

L'approximation de même que pour les étoiles est inférieure à 1". La somme des erreurs d'ascension droite pour la lune et les étoiles est donc inférieure à 0^s,2,5 soit à 7",5. Elle ne dépasse donc que très peu le tiers de l'erreur due au sextant elle peut donc être considérée comme négligeable.

Ajoutons que la correction de Newcomb qui en 1896 atteignait 1^s,70 sera en 1903 de 2^s,11 c’est-à-dire surpassera 10 fois celle que nous signalons et aussi que cette correction est elle-même inexacte. Dans ces conditions chercher [barré : les] à calculer une distance à une seconde d'arc près me paraît absolument inutile.

Les deux autres propositions tant d'ordre secondaire nous n'en parlerons pas mais il n'en est pas de même de la question d'ordre général. L'Extrait était fait pour les capitaines au long cours, et pour les caboteurs, il devait remplacer les almanachs du marin publiés au Havre et à Saint Brieuc doit-on [barré : le / y] en faire un livre permettant de se passer absolument de la Connaissance des temps c’est-à-dire d'en diminuer la vente ; il y a là une question de budget qui n'est pas sans importance.

Ne conviendrait-il pas mieux de mettre à bord des navires de guerre quelques exemplaires en plus de la Connaissance des temps. Le passage de nombre d'officiers à Montsouris leur donne plus qu'une teinture d'astronomie, [barré : chaque division navale a dans son bagage scientifique une lunette méridienne]. C'est un instrument qui nécessite l'emploi de la Connaissance des temps, raison de plus pour en délivrer davantage à nos navires.

Ma conclusion est [barré : donc] de ne pas toucher à l'Extrait sauf pour y ajouter les positions des 5 étoiles et de modifier l'explication de la page 101 pour permettre d'avoir au besoin les positions de la lune d'heure en heure, [barré : ainsi qu'un] et un exemple pour avoir la distance de la lune à une étoile ou au soleil.

A. Bouquet de la Grye

[au dos de la page : quelques données chiffrées]

[sur la page suivante, au crayon de papier : Séance du 8 mai 1901]