Copie d'une lettre de M. le Directeur du Bureau international des poids et mesures

Copie d'une lettre de M. le Directeur du Bureau international des poids et mesures.

(L'original prêté à M. Poincaré <le 6 Janvier 1904> n'est pas rentré).

1^er Novembre 1903.

Monsieur le Président,

L'Annuaire du Bureau des Longitudes reproduit chaque année (page 342 de l'Annuaire de 1903) le Tableau des Mesures légales françaises, qui avait été annexé à la loi du 4 Juillet 1887, par laquelle le système métrique décimal a été rendu obligatoire en France. Ce tableau donne : la nomenclature des unités des diverses espèces et de leurs multiples et sous-multiples, les valeurs de ceux-ci en fonction des unités principales, les définitions des unités fondamentales ; et enfin l'indication des Prototypes qui les représentent. Conformément aux dispositions des lois des 18 Germinal an IV et 19 frimaire an VIII, qui avaient institué le système métrique.

L'évolution extrêmement importante, qui s'est produite dans l'histoire du système métrique pendant le dernier quart du XIXe siècle a amené nos pouvoirs publics à introduire récemment quelques modifications dans la loi du 19 frimaire an VIII, et dans le Tableau de nos mesures légales. Les causes de cette évolution ont été, comme on le sait, d'une part l'accroissement considérable de la précision, depuis une centaine d'années, exigé et réalisé dans toutes les applications scientifiques et industrielles ; - d'autre part, l'extension progressive du système métrique hors de France, son adoption plus ou moins complète par un certain nombre de nations étrangères, et l'entente internationale qui s'est finalement traduite par la Convention diplomatique des Poids et Mesures, dont le Bureau établi au Pavillon de Breteuil, à Sèvres, est l'organe principal, peut-être considérée, selon toute vraisemblance, comme la préparation et la prélude de l'adoption générale, dans un avenir assez rapproché, du système métrique par l'univers civilisé tout entier.

La première conséquence de cette organisation, qui englobe aujourd'hui vingt-deux Etats des deux hémisphères, a été la création de nouveaux Prototypes, qui, son [sous] le nom de Prototypes internationaux devaient représenter les unités du Système métrique, devenu universel sous une forme plus parfaite que les anciens étalons des Archives de France, tant au point de vue des garanties d'invariabilité avec le temps et par suite de conservation du système, qu'au point de vue de la précision réalisable dans la définition même de ces unités [mot masqué] dans les opérations destinées à les répandre et à les appliquer. Les nouveaux Prototypes, ainsi établis, ainsi que les copies rigoureusement déterminées qui ont été distribuées aux divers Gouvernements de la Convention furent sanctionnés par la première Conférence Générale des Poids et Mesures, réunie à Paris en 1889. Depuis lors, un grand nombre des Gouvernements étrangers ont pris chez eux des mesures législatives, ratifiant définitivement les décisions déjà prises en leur nom par leurs Délégués à la Conférence et donnant force de loi aux nouveaux Prototypes. Le Bureau national des Poids et Mesures, - dont quelques-uns des Membres du Bureau des Longitudes font aussi parti – saisi de la question, par M. le Ministre du Commerce, en ce qui concerne notre pays, a, après discussion, proposé des modifications à l'ancienne loi, modifications qui ont été adoptées par le Sénat et la Chambre des Députés, et ont été promulguées par la loi du 11 Juillet 1903. Les dispositions de cette nouvelle loi – qui ne font d'ailleurs que donner une consécration officielle à une situation que la force des choses avait déjà imposé en fait, depuis un assez grand nombre d'années – ont été complétées ensuite, par un décret daté du 28 Juillet, qui modifie l'ancien tableau de nos mesures légales. Le nouveau tableau reconnaît, comme bases fondamentales du système métrique universel les Prototypes internationaux conservés au Pavillon de Breteuil et, comme étalons légaux pour la France, les copies de ces Prototypes qui ont été déposées au Archives en 1889, et dont la valeur exacte est donnée par les certificats qui les accompagnent.

On y a introduit, en outre, dans quelques courtes notes les définitions les plus indispensables de quelques termes, conformément aux idées des hommes de science d'aujourd'hui, et aux décisions prises par les corps savants les plus autorisés, en modifiant ou faisant disparaître les définitions qui sont devenues des erreurs de fait ou de véritables incorrections.

Il serait semble-t-il, désirable, que l'Annuaire du Bureau des Longitudes, tenant compte de ces événements récents substituât dans les documents qu'il publie, le nouveau Tableau à celui de 1837, qui se trouve maintenant abrégé. A l'appui de la proposition que je lui soumets, j'ai l'honneur de joindre à cette lettre les textes de la loi du 11 Juillet 1903 et du décret du 28 Juillet 1903, ainsi que les deux Rapports que le Bureau national des Poids et Mesures m'a chargé de lui présenter sur ces questions, et qui ont servi de bases à ses discussions.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma considération la plus distinguée.

Signé : René Benoit.