Les procès-verbaux du Bureau des longitudes

[Note de Charles-Edouard Guillaume relative à une mesure de base]

Titre [Note de Charles-Edouard Guillaume relative à une mesure de base]
Créateur Guillaume, Charles-Edouard (1861-1938)
Contexte Volume 1906-1909
Date 1906-05-02
Identifiant O1906_1909_022
Relation O1906_1909_021
Format 14,5 x 34,5 cm; image/jpeg;
Éditeur Bureau des longitudes; Observatoire de Paris; Laboratoire d'Histoire des Sciences et de Philosophie - Archives Henri Poincaré (UMR 7117 CNRS / Université de Lorraine);
Droits CC BY-SA 3.0 FR
Type Dactylographié avec corrections manuscrites; Text; [Note];
Description

Annexe à la séance du 2 Mai 1906

M. Ch.-Ed. Guillaume rend compte d'un mesure de base, faite sous sa direction, par la Commission géodésique suisse, et dont les termes extrêmes sont les observatoires de Brigue et d'Iselle, situés aux deux extrémités du tunnel du Simplon, et qui ont servi à assurer son alignement.

Cette mesure constitue la dernière des opérations exécutées par la Commission suisse à l'occasion du percement du tunnel, et dont l'ensemble, formant un tout cohérent, a compris une triangulation par-dessus le massif des Alpes valaisannes, un nivellement par la route et par le tunnel, et des observations nombreuses de l'intensité de la pesanteur, tant à l'intérieur du tunnel que sur les sommets.

La mesure de la base a été rendue possible par les perfectionnements apportés récemment aux appareils de mesure rapide des bases, dont l'étude a été confiée au Bureau international. Ces appareils utilisent, à l'exemple de M. Jäderin, des fils d'une longueur normale de 24 mètres, tendus sous un effort constant.

Mais la découverte de l'invar ayant permis d'éliminer presque complètement l'erreur de température, MM. Benoît et Guillaume ont constitué, avec la coopération de M. Carpentier, un matériel permettant d'utiliser au mieux cette propriété, et de profiter de tout le gain de précision qu'elle permet de réaliser. L'ensemble du matériel a été décrit dans une brochure publiée récemment par MM. Benoît et Guillaume, sous le titre : "Les nouveaux appareils pour la mesure rapide des bases géodésiques." La même publication contient le résumé de très nombreuses expériences faites en vue d'assurer de la permanence des fils dans les conditions ordinaires de leur emploi sur le terrain.

La mesure dans le tunnel exigeait l'adjonction, au matériel ordinaire, de quelques organes auxiliaires tels que crapaudines et patins permettant de poser les repères mobiles directement sur les rails, porte lanternes et lanternes pour l'éclairage des repères mobiles, repères mi-fixes et de contrôle, destinés à assurer des points de repère intermédiaires, permettant de reprendre au besoin certaines sections de la mesure, et indiquant, par les écarts individuels des sections, la limite de précision des mesures. Ces repères étaient construits de manière à pouvoir être fixés dans les traverses de la voie.

Le tunnel était mis à la disposition de la Commission géodésique suisse pendant cinq jours seulement, pendant lesquels il fallait mesurer, dans les deux sens, la distance, voisine de 20 km, comprise entre les repères extrêmes du tunnel. Ce délai imposait un travail continu, qui fut assuré par trois équipes, dirigées respectivement par MM. R. Gautier, A. Riggenbach et M. Rosenmund, et qui se relayaient de huit en huit heures. Les chefs d'équipe remplissaient en même temps les fonctions de secrétaire ; les observations étaient faites par des ingénieurs ; les services auxiliaires <étaient assurés> par des élèves-ingénieurs de l'Ecole polytechnique fédérale, enfin les transports pendant la mesure étaient effectués par des ouvriers pris sur place.

Le nombre des repères mobiles employés était de dix. On affectait un porteur à chaque trépied, afin d'éviter les retours en arrière du personnel, qui auraient produit des remous et des retards.

Les chefs des équipes et une partie du personnel technique avaient fait quelques exercices préliminaires avec le matériel de mesure ; mais aucun des participants n'avait encore mesuré une base. Le personnel ouvrier ne connaissait pas le matériel. Toute l'éduction pour le travail en commun fut acquise dans une mesure de quatre heures de jour sur une digue, et de six heures de nuit sur une voie ferrée, à proximité de Viège.

Le tunnel comporte une partie droite, d'une longueur un peu supérieure à 19 km, prolongée par deux galeries basses, qui ont servi aux visées pour l'alignement. En temps ordinaire, ces galeries sont fermées par des portes de fer, tandis que le tunnel est fermé par des rideaux destinés à permettre l'aérage par des ventilateurs situés aux deux extrémités, à la partie supérieure de la galerie, et dont l'un souffle tandis que l'autre aspire. Du côté de la chasse d'air, la température du tunnel était un peu supérieure à 0 ; elle montait graduellement <pour> dépasser 28° un peu au-delà du milieu. L'air était sec avant d’avoir passé sur les infiltrations non encore complètement asséchées, ou sur les gerbes d’eau dont on arrose certaines parties de la voûte. Au-delà, il était à peu près saturé d’humidité. Le personnel et le matériel ont très bien supporté ces variations considérables et rapides de la température et de l’humidité.

La mesure, commencée le 18 mars à 6 heures du matin à un repère situé dans l’alignement de la galerie de la direction Nord, près de Brigue, a été poursuivie dans le tunnel jusqu’au 20 mars à 2 heures de l’après-midi ; puis le reste de la journée a été consacré au rattachement à l’Observatoire d’Iselle, au retour à Brigue et à la comparaison des fils. La reprise du travail eut lieu à Iselle le 21 à 6 heures du matin, et la sortie se fit du côté de Brigue le 25 vers les huit heures. Une bourrasque de neige empêcha de continuer jusqu’à l’observatoire de Brigue, séparé de l’entrée du tunnel par le Rhône et par un terrain d’alluvions. Le rattachement fut <achevé> [barré : lieu] le lendemain.

Dans les galeries de direction et au dehors du tunnel on a mesuré, outre la distance des repères mobiles, leur différence de niveau deux à deux. L’alignement a été vérifié par la petite lunette faisant partie du matériel normal, ou, dans les alluvions du Rhône, comportant de fortes dénivellations, par un théodolite. Sur la voie, on a admis les données du nivellement fournies par une opération distincte. Un contrôle a été fait seulement dans la région du changement de pente. L'alignement de la voie a été contrôlé dans toute sa longueur par une équipe de trois ingénieurs, de manière à permettre la projection de la ligne mesurée dans le plan vertical moyen, duquel, au surplus, la voie s’écarte très peu.

La traversée du Rhône a été faite avec un fil de 72 mètres, tendu par un poids de 20 kg, et dont la longueur a été déterminée, au Bureau International, sur une base spéciale.

On se proposait de mesurer les deux premiers tiers du tunnel avec un fil, le dernier tiers avec un second fil, puis les deux premiers tiers du retour avec ce dernier, enfin de reprendre le tiers final avec le premier fil. On aurait eu ainsi la comparaison des diverses sections soit par des mesures faites avec le même fil, soit avec les deux fils. Les concordances respectives des trois sections auraient donné des indications sur les erreurs dues aux lectures ou à l'équation des fils. Une chute d'un observateur, qui a entraîné une détérioration d'un des fils au neuvième kilomètre, n'a pas permis de faire une expérience aussi systématique. Mais l'ensemble fournit encore la superposition de deux fils pour trois intervalles de 2400 mètres repérés par des termes mi-fixes, et la superposition d'un fil à lui-même pour quatre intervalles. L'intervalle dans lequel s'est produit l'accident a été mesuré en majeure partie avec le premier fil.

On avait emporté, en outre, trois fils de 24 mètres, auxquels les fils servant à la mesure ont été comparés à Brigue, sur un comparateur spécial, avant et après la mesure du tunnel. Les fils ont été rapportés au Bureau International, et soumis à une longue série de vérifications desquelles il résulte que le fil n'ayant subi aucune avarie <visible> a conservé sa longueur au millionième près. L'autre fil d'usage, comparé après l'accident, a été trouvé raccourci de 0,15mm, quantité qui s'est conservée jusqu'à la réparation du pli subi par le fil.

Le redressement, fait avec soin, l'a ramené à sa première valeur, au millionième près.

L'ensemble de ces comparaisons vient seulement d'être achevé, et va permettre de calculer les valeurs définitives des longueurs mesurées. Mais, pour connaître leur concordance, les calculs faits sur place ont donné immédiatement les chiffres intéressants.

L'écart entre les mesures faites à l'aller et au retour est de 2,3 mm. Les sections mesurées avec les deux fils concordent entre elles aussi bien que les autres. Certaines sections ont donné, à l'aller et au retour, des écarts plus considérables que l'écart de la longueur totale, par l'effet du vent sur le fil à plomb, et par de petits déplacements des repères, sur lesquels plusieurs trains ont passé entre les deux mesures.

Type de document Procès-verbal
Transcripteur Muller, Julien
Collection Volume 1906-1909
Citer ce document “[Note de Charles-Edouard Guillaume relative à une mesure de base]”, 1906-05-02, Les procès-verbaux du Bureau des longitudes, consulté le 29 mars 2024, http://purl.oclc.org/net/bdl/items/show/5818

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