Les procès-verbaux du Bureau des longitudes

Note sur le projet d'organisation d'un service central de l'heure

Titre Note sur le projet d'organisation d'un service central de l'heure
Créateur Bigourdan, Guillaume (1851-1932)
Contexte Volume 1910-1913
Date 1911-10-25
Identifiant O1910_1913_102
Relation O1910_1913_103
Format 20,6 x 32,5 cm; image/jpeg;
Éditeur Bureau des longitudes; Observatoire de Paris; Laboratoire d'Histoire des Sciences et de Philosophie - Archives Henri Poincaré (UMR 7117 CNRS / Université de Lorraine);
Droits CC BY-SA 3.0 FR
Type Dactylographié avec corrections manuscrites; Text; Note;
Description

NOTE

sur le projet d'organisation d'un service central de l'heure

La création d'un service central de l'heure peut être envisagée à divers points de vue :

1°/ au point de vue théorique de la recherche de la précision dont l'élément temps est susceptible ;

2°/ au point de vue pratique de l'envoi de l'heure la plus exacte possible par signaux de télégraphie sans fil.

Dans le premier cas, le service central serait ce que nous appellerons un service central d'étude de l'heure. Dans le second, ce serait un service d'envoi de l'heure, sans autre épithète, car nous admettons que le service chargé de l'envoi des signaux d'heure doit chercher à leur donner la plus grande exactitude possible.

Enfin on peut concevoir un service central de l'heure qui réunirait le service d'étude de l'heure et celui d'envoi de l'heure, et qui serait analogue au Bureau central météorologique, lequel comprend des services d'études météorologiques et le service du Bulletin Météorologique <ou de la Prévision du temps>. Nous réserverons l'appellation de Service Central de l'heure pour l'ensemble des deux services d'étude et d'envoi de l'heure réunis.

Nous allons examiner les travaux qu'auraient à effectuer ces divers services ; leur organisation en découlera tout naturellement.

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1°/ Comparaisons à distance et locales

Quel que soit le but qu'on se propose, il s'agit en principe de tirer parti des observations d'heure faites dans les divers observatoires de France ou même de l'étranger où on la détermine. Pour cela il faut les rapporter à une même pendule P. Et comme, au moins dans l'état actuel, on ne peut songer à noter directement les heures à cette pendules P des observations faites dans différents lieux, il faut nécessairement passer par l'intermédiaire de la pendule locale p de chaque observatoire pour noter les heures des observations qui y sont faites, puis comparer à distance cette pendule locale p à la pendule P à un instant aussi voisin que possible du milieu des observations. Ces comparaisons constituent avec les états Ep des pendules p fournis par le calcul des observations, les matériaux principaux que le service de l'heure, quel qu'il soit, aura à mettre en œuvre.

Ce sont les seuls dont ait besoin le service d'envoi de l'heure qui doit naturellement voir la pendule P dans ses locaux. P et p étant en effet les heures des pendules de mêmes noms au moment d'un comparaison et Ep l'état sur le temps légal de la pendule p au même instant, celui de la pendule P sera

EP = p + Ep – P = p – P + Ep

comparaison état

On construit la courbe des Ep en prenant pour abcisses [abscisses] les heures temps légal, et c'est cette courbe convenablement prolongée qui donne l'état à admettre pour P à l'heure des envois de signaux horaires.

En fait, une seule pendule P ne saurait suffire ; il en faut au moins deux P et P1 pour ne pas être obligé de suspendre l'envoi des signaux horaires dans le cas où elle viendrait à s'arrêter. Il est même bon d'en avoir plusieurs pour que, si un désaccord se manifeste entre P et P1 on puisse discerner quelle est celle qui mérite le plus de confiance. Des comparaisons locales quotidiennes sont nécessaires entre ces pendules P1, P2 ……Pn et le pendule P pour avoir leurs marches relatives ou, si l'on préfère, leurs différences d'états chaque jour à une même heure. Elles sont utilisées pour améliorer l'extrapolation de l'état Ep depuis le dernier état observé Ep fourni par un des observatoires affiliés jusqu'à l'envoi des signaux horaires. Voici comment on procède pour cela à l'Observatoire de Montsouris où un service d'envoi de l'heure par téléphone est établi depuis 1906.

Sur la feuille même de la courbe des Ep, on construit les courbes des comparaisons locales P – P1, P – P2, …… P – Pn rapportées au même axe des abcisses et à l'axe opposé à celui des ordonnées Ep. Comme à chaque instant Ep + P = Ep1 + P1 puisque les deux membres de cette égalité représentent le temps légal à cet instant, la courbe des Ep, lorsqu'on la rapporte aux courbes P – P1, P – P2n…… comme axes des abcisses, représente aussi les courbes des Ep1, Ep2, ……

Donc si l'on mêne la tangente à la courbe P – P1, par exemple, au point d'abscisse correspondant au dernier état Ep observé, l'écart entre un point de cette tangente et le point de même abscisse de la courbe P – P1 représente la différence de l'état réel Ep1 et de l'état Ep1 que l'on aurait obtenu si la marche relative de P et de P1 était restée la même qu'à l'époque du dernier état observé Ep. La moyenne de ces écarts pour les différents pendules P1, P2,…… Pn donne la correction à apporter à l'état Ep extrapolé pour un instant quelconque.

Ainsi le service d'envoi de l'heure a besoin d'une série de pendules qu'il compare régulièrement chaque jour. L'une d'elle est choisie comme pendule étalon : c'est à celle-là qu'on compare toutes les autres du service et aussi toutes les pendules locales p des observatoires affiliés lorsqu'ils ont obtenu un état.

Le service d'étude de l'heure peut à la rigueur se passer de pendule. Deux ou plusieurs observatoires ayant observé à peu près simultanément comparent directement leurs pendules p pour avoir la différence de leurs état sans passer par l'intermédiaire d'une pendule P installée au Service et transmettent ces comparaisons au service qui étudie leurs variations et les rapports de ces variations avec les diverses circonstances susceptibles d'influer sur les états que les ont fournies : noms des observateurs, instruments employés, état du ciel, etc… de façon à découvrir les lois qui les régissent et le moyen de les éliminer.

Les comparaisons à distance entre observatoires ne sont pas les seules qu'un service d'étude de l'heure ait intérêt à consulter. A défaut de pendules installées chez lui, il pourra se faire envoyer les comparaisons locales faites entre les pendules dans chaque observatoire ; elles éclaireront bien des points qui paraitraient inexplicables avec les seules comparaisons à distance : irrégularité de marche d'une pendule p, mauvaise détermination de son état Ep se reconnaissant à un changement de marche de toutes les pendules dans le même sens, etc.

2°/ Envoi des comparaisons et des états au Service de l'heure

L'étude des comparaisons au service de l'heure peut être faite à loisir et à un moment quelconque ; il suffit que les comparaisons et les états observés soient envoyés régulièrement au service d'étude de l'heure de façon à l'alimenter sans à-coups. Les observatoires ont donc tout le temps pour calculer leurs états.

Il n'en est pas de même pour le service d'envoi de l'heure. Celui-ci a besoin, non-seulement des comparaisons avec sa pendule P, mais aussi des états Ep aussitôt que possible après les observations, en tout cas un certain temps avant le premier envoi de signaux horaires qui suit les observations. C'est dire qu'il faut alors que les observatoires qui lui sont affiliés fassent toute diligence pour calculer leurs état Ep, et même n'attendent pas, pour commencer, la fin des observations si possible.

On retrouve là une analogie complète avec les deux grandes divisions du Bureau central météorologique, celle de la publication du Bulletin météorologique, celle de la publication du Bulletin météorologique et celle des études météorologiques. La dernière travaille à loisir sur les documents météorologiques qui peuvent lui parvenir avec un retard parfois assez grand. La première au contraire reçoit par télégramme les renseignements météorologiques correspondant à une certaine heure de la matinée, 7hres du matin si je ne me trompe, et les met en œuvre immédiatement pour la publication du bulletin qui doit paraître quelques heures après. De la situation atmosphérique qu'il constate et de sa comparaison avec les situations des jours précédents, le météorologiste chargé de la rédaction du bulletin en déduit les prévisions pour la journée. L'astronome chargé du service de l'envoi de l'heure pourrait de même faire les comparaisons et se faire envoyer les heures et les états à une certaine heure du matin, 7h par exemple ; il aurait ainsi le temps de calculer, comme nous l'avons indiqué plus haut, l'état le plus probable de la pendule P pour l'instant 10h45m temps légal, de l'envoi des signaux horaires de jour.

Nous avons expliqué tout au long, dans les articles qui ont paru dans les Numéros de la Revue Générale des Sciences des 15 et 30 Juillet dernier, comment la télégraphie sans fil permet de faire ces comparaisons rapidement et avec la plus grande précision. La Tour Eiffel pourrait envoyer chaque matin, à l'heure qui lui paraîtrait la plus propice, une série spéciale de 600 battements séparés par un intervalle de 1s ± 1s/100 approximativement pour permettre aux observatoires de faire leurs comparaisons pat [par] coïncidences. Ceux qui auraient fait des observations dans la nuit enverraient aussitôt après un télégramme (par télégraphie sans fil ou, à défaut d'émetteur, par télégraphe ou téléphone) donnant le battement de la coïncidence, l'heure correspondante de la pendule p et enfin l'état Ep correspondant.

Les autres observatoires noteraient simplement le battement de la coïncidence, <avec> l'heure de la pendule p et enverraient ces chiffres au service de l'étude de l'heure, par exemple toutes les semaines, avec en plus les comparaisons locales.

de l'organisation

Cela dans l'hypothèse d'un service central de l'heure complet. Il y aurait grand intérêt, en effet, à ce que les deux services de l'envoi et de l'étude de l'heure fussent réunis. Car de même que le météorologiste rédacteur du Bulletin est grandement aidé pour ses prévisions par la connaissance des lois que l'étude des phénomènes météorologiques a fait découvrir, l'astronome profiterait pour l'extrapolation de l'état de la pendule P, de toutes les remarques et découvertes du service d'étude de l'heure. Et inversement le besoin qu'il manifesterait de donner une heure de plus en plus exacte servirait d'excitant pour ce dernier service comme la prévision du temps pousse à l'étude de plus en plus approfondie de tous les phénomènes météorologiques observés.

3°/ Personnel et Matériel

La création d'un service d'étude de l'heure ne demanderait que peu de crédits, puisque, comme nous l'avons vu, il pourrait se passer de pendules. Les dépenses d'entretien seraient également peu élevées : un astronome parfaitement au courant de toutes les méthodes et des instruments employés pour la détermination de l'heure pourrait constituer le service à lui tout seul avec un gardien de bureau.

Il pourrait en être de même pour la création du service d'envoi de l'heure à la condition de ne pas constituer un service entièrement nouveau. L'Observatoire de Paris qui est actuellement chargé de l'envoi de l'heure dispose de tout le matériel et le personnel nécessaires pour ce service. Mais il faudrait qu'il consentit à en faire un organe en quelque sorte distinct et sous la dépendance directe du Bureau des Longitudes.

A défaut de l'Observatoire de Paris, celui de Montsouris qui dépend déjà directement du Bureau des Longitudes et qui est outillé très convenablement en pendules serait tout indiqué. Monsieur CLAUDE y dirige depuis 1906 le service de l'heure par téléphone ; les méthodes qu'il emploie pour prendre l'heure sont précisément celle qu'il y aurait à appliquer pour l'envoi de l'heure exacte. Il suffirait de relier l'établissement au poste de la Tour Eiffel comme l'est l'Observatoire de Paris. Malheureusement le personnel fait défaut : il ne faudrait pas moins de quatre astronomes pour assurer en tout temps le service d'envoi de l'heure. Mais ce personnel trop nombreux dans les circonstances ordinaires, pourrait être chargé en même temps du service de l'étude de l'heure. Le Bureau des Longitudes aurait ainsi un service central de l'heure complet et entièrement sous sa dépendance.

NOTA – L'utilisation des états envoyés par les observatoires de France et de l'étranger pour l'envoi de l'heure exacte suppose que leur longitude est exactement connue, ce qui n'est pas en général. Il faudrait donc commencer par déterminer aussi exactement que possible les différences de longitude de tous les observatoires avant de les admettre à concourir au service de l'envoi de l'heure.

Type de document Procès-verbal
Transcripteur Muller, Julien
Commentaires Numéroté de 2 à 7.
Collection Volume 1910-1913
Citer ce document “Note sur le projet d'organisation d'un service central de l'heure”, 1911-10-25, Les procès-verbaux du Bureau des longitudes, consulté le 25 avril 2024, http://purl.oclc.org/net/bdl/items/show/6126

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