Les procès-verbaux du Bureau des longitudes

[Addendum à la séance du 28 février 1917]

Titre [Addendum à la séance du 28 février 1917]
Créateur inconnu
Contexte Volume 1914-1918
Date 1917-02-28
Identifiant O1914_1918_182
Relation O1914_1918_181
Format 20 x 28 cm; image/jpeg;
Éditeur Bureau des longitudes; Observatoire de Paris; Laboratoire d'Histoire des Sciences et de Philosophie - Archives Henri Poincaré (UMR 7117 CNRS / Université de Lorraine);
Droits CC BY-SA 3.0 FR
Type Dactylographié avec corrections manuscrites; Text; Addendum;
Description

[barré : complément au] <annexe au> procès-verbal [barré : du Bureau des Longitudes du] <de la séance du> 28 Février 1917

Le Bureau des Longitudes est durement éprouvé. A peine notre collègue BASSOT est-il dans la tombe que la mort nous frappe de nouveau, et de quel coup ! en nous enlevant notre collègue DARBOUX, l’illustre Secrétaire Perpétuel de l’Académie des Sciences, dont la présence parmi nous était à la fois un grand honneur et un grand profit pour notre Compagnie.

Je ne songe pas à faire ici, ni même à ébaucher, un éloge funèbre de M. Darboux. Ses grandes facultés, les admirables travaux qu’il a accomplis l’ont porté sur des cimes que mon modeste regard est impuissant à atteindre. D’ailleurs, le caractère tout intime de nos réunions ne réclame pas que je paye aujourd’hui à la mémoire du savant disparu, un tribut proportionné à sa haute stature. L’un de nous, bien mieux qualifié, rédigera certainement bientôt sur M. Darboux une notice destinée à paraitre dans notre prochain annuaire, où nous retrouverons, largement exposée, l’œuvre du Maitre. Je me contenterai d’esquisser à grands traits la carrière et la figure de notre regretté collègue.

Les articles nécrologiques de la Presse nous ont contraints ces jours-ci à constater que M. Darboux était né en 1842, c’est à dire qu’il approchait de 75 ans. Quand on le revoit, par la pensée, tel qu’il était lors de nos dernières réunions, auxquelles il a assisté, on est frappé du fait que M. DARBOUX, en dépit de la date de sa naissance, n’aura jamais été un vieillard. Bien qu’il fut miné par un mal implacable, il avait conservé un visage et une allure qu’aurait enviés un sexagénaire.

Ce qui est également frappant, c’est que cette puissance qui ne voulait pas décroitre, s’était développée jadis avec une précocité extraordinaire. Ses succès scolaires mirent très jeune Darboux en vedette, et, dans la suite, chacun de ses succès lui échut à un âge qui eut défendu à tout autre d’en envisager seulement la perspective.

A dix-neuf ans il fut reçu simultanément premier à l’Ecole Polytechnique et premier à l’Ecole Normale. Poussé par ses goûts vers les pures études et vers l’Enseignement, il préféra l’Ecole Normale. Simple élève, il s’y révéla de suite comme un éminent mathématicien.

Successivement Agrégé Préparateur à l’Ecole Normale, Professeur de Mathématiques Spéciales au Lycée Louis le Grand, où il ne fit que passer, Maitre de Conférences à l’Ecole Normale, il fit son entrée à la Sorbonne pour suppléer LIOUVILLE dans la chaire de Mécanique, il suppléa ensuite CHASLES dans la chaire de géométrie supérieure et y devint titulaire en 1881. Il y professa pendant près de quarante ans et forma toute une école de disciples qui répandirent au loin ses théories de géométrie.

Entre temps il avait suppléé Joseph BERTRAND au Collège de France.

L’Académie des Sciences lui ouvrit ses portes en 1884 ; il avait 42 ans. Il en devint l’un des Secrétaires perpétuels en 1900. En 1902 nous l’appelâmes au Bureau des Longitudes, où ses connaissances universelles confirmèrent sa grande autorité.

Un côté très remarquable dans la nature de M. Darboux, c’est que s’il était doué d’une grande maitrise pour planer dans les hautes régions de la Science, dans le domaine des réalités, il était non moins habile comme organisateur et comme administrateur. Il en donna des preuves éclatantes durant les longues années où il fut doyen de la Faculté des Sciences et dans les nombreux conseils où il siégea ; nous-mêmes, à ce point de vue, nous avons pu l’apprécier en maintes circonstances, toutes les fois notamment qu’il y eut à intervenir auprès de l’Administration pour faire prévaloir les intérêts du Bureau.

Après ce rapide aperçu sur la carrière de M. Darboux, vous dirai-je encore quelques mots sur ce qu’il fut, en tant qu’homme. Nous sommes de ceux qui l’auront bien connu. D’un abord sévère, et froid, il laissait rapidement percer son écorce un peu rude et laissait voir le fond de sa nature, qui était bienveillante et obligeante. La netteté de son jugement et de ses vues lui donnait un grand ascendant. Autoritaire par tempérament, il était quelquefois âpre à la défense de ses idées et semblait avoir dans le professorat le goût de tenir sous la discipline ceux avec qui il controversait. La vérité est que sa raideur apparente était comme une arme avec laquelle il défendait sa manière de voir et que cette raideur savait s’assouplir, dès que cet homme de bon sens reconnaissait en face de lui une thèse juste ou utile.

Appelé par les circonstances de la vie à faire partie de sa classe à Louis le Grand, en 1869, je fus de ses rares élèves qui restèrent auprès de lui pendant le Siège de Paris. La voix du canon faisait alors grand tort à celle du professeur et l’enseignement cédait le pas à l’échange des émotions patriotiques qui déjà, à cette époque lointaine, étreignirent les cœurs français. Tel j’avais connu alors mon Maitre, tel je l’ai retrouvé, après de longues années, ici-même et ce n’est pas sans une profonde tristesse que je me résous à penser que désormais je ne le verrai plus.

Type de document Procès-verbal
Transcripteur Muller, Julien
Collection Volume 1914-1918
Citer ce document “[Addendum à la séance du 28 février 1917]”, 1917-02-28, Les procès-verbaux du Bureau des longitudes, consulté le 20 avril 2024, http://purl.oclc.org/net/bdl/items/show/6425

Item Relations

This item has no relations.

FR751142302_006_015073_A.jpg
FR751142302_006_015074_A.jpg
FR751142302_006_015075_A.jpg
FR751142302_006_015076_A.jpg