Les procès-verbaux du Bureau des longitudes

Note sur les procédés actuels d'emploi de la T.S.F. dans la détermination des longitudes

Titre Note sur les procédés actuels d'emploi de la T.S.F. dans la détermination des longitudes
Créateur Ferrié, Gustave Auguste (1868-1932)
Contexte Volume 1919-1923
Date 1920-09-08
Identifiant O1919_1923_107
Relation O1919_1923_099; O1919_1923_078;
Format 14,7 x 22,6 cm; image/jpeg;
Éditeur Bureau des longitudes; Observatoire de Paris; Laboratoire d'Histoire des Sciences et de Philosophie - Archives Henri Poincaré (UMR 7117 CNRS / Université de Lorraine);
Droits CC BY-SA 3.0 FR
Type Dactylographié ; Text; Note;
Description

NOTE SUR LES PROCÉDÉS ACTUELS D’EMPLOI DE LA T.S.F. DANS LA DÉTERMINATION DES LONGITUDES. Par le général Ferrié, C.M.G., LL.D.

Monthly Notices of R.A.S., May 1920.

Reprinted from the Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Vol. LXXX. No. 7.

NOTE SUR LES PROCÉDÉS ACTUELS D’EMPLOI DE LA T.S.F. DANS LA DÉTERMINATION DES LONGITUDES.

Par le général FERRIÉ, C.M.G., LL.D.

Le rôle de la T.S.F., dans la détermination des longitudes, est de fournir un signal instantané qui donne, pour chacune des stations dont on veut déterminer les différences de longitude, l’instant précis t auquel il faut noter l’heure de son garde-temps afin d’avoir, par différence avec les heures notées dans les autres stations, sa comparaison avec les autres garde-temps à cet instant. Son emploi est très avantageux, car il suffit que les stations considérées se trouvent dans le rayon de portée d’une même station radiotélégraphique, ce qui, maintenant, avec la multiplicité des grands postes de T.S.F. existants, se trouve à peu près réalisé pour des points quelconques à la surface du globe.

L’ “état” E de chaque garde-temps sur le temps du lieu au même instant t est déterminé par ailleurs à l’aide d’observations astronomiques qui font connaître l’état E0 à une époque t0 voisine de t et la “marche” m, d’où l’on déduit

E = E0 + m(tt0).

Quand on n’a pas besoin d’une précision supérieure au dixième de seconde, ce qui est le cas notamment dans la détermination du “ point ” à la mer ou en exploration, on se contente d’utiliser les signaux radiotélégraphiques qui sont transmis à des heures connues du méridien de Greenwich. Le navigateur ou l’explorateur n’a qu’à déterminer l’heure locale à l’instant t d’un des signaux horaires qu’il perçoit dans le téléphone. Il note pour cela l’heure que marque son chronomètre à cet instant et il y ajoute l’état E calculé par la formule ci-dessus et partant du dernier état E0 obtenu par les observations astronomiques. La marche m est alors fournie par la différence des heures marquées par le chronomètre à l’instant t et à celui du signal radiotélégraphique correspondant de la veille.

Si la précision désirée est au contraire très grande, par exemple de l’ordre du centième de seconde qu’il ne paraît pas utile de chercher à dépasser pour le moment, il devient nécessaire d’employer des procédés beaucoup plus exacts pour comparer les pendules aux signaux de T.S.F.

Les méthodes dont on peut faire usage sont au nombre de trois :—

I°. Méthode des coïncidences.—Le principe de la méthode est bien connu et il est inutile de le rappeler. Pour l’appliquer * [en note de bas de page : * C.R. de l’Académie des Sciences, 7 février 1910, 21 novembre 1910, 1 mai 1911 (MM. Claude Driencourt et Ferrié).] on fait émettre par un grand poste de T.S.F. une série de points espacés entre eux d’un intervalle de temps égal à une seconde plus 1/100 par exemple dans laquelle on supprime les points N°. 60, 120, etc., pour faciliter le comptage. Aux deux points géographiques dont on veut déterminer la différence de longitude on installe des récepteurs de T. S.F. dont le casque téléphonique est disposé de manière qu’il permette à l’observateur d’écouter cette série de points en même temps que les battements de son garde-temps. Celui-ci doit être muni pour cela soit d’un contact électrique se fermant chaque seconde, soit d’un microphone reproduisant le bruit du battement. L’observateur inscrit les heures marquées par le garde-temps à l’instant où se produit chacune des coïncidences entre les deux séries de battements, ainsi que le numéro des signaux de T.S.F. sur lesquels se produisent ces coïncidences. Avec un peu d’entraînement on arrive aisément à faire ces notations sans erreurs.

Il ne reste plus ensuite qu’à déterminer les diverses corrections nécessaires pour avoir l’heure locale exacte à l’instant du premier point (par exemple) de la série des signaux de T.S.F. Les détails du procédé opératoire sont indiqués dans le compte rendu de la Conférence Internationale de l’Heure de 1913.

Cette méthode, appliquée depuis 1910, a permis d’effectuer déjà un grand nombre de mesures de différences de longitudes et en particulier celle de Paris-Washington in 1913. Elle a été employée également pour déterminer de nombreuses positions géographiques dans le Nord de l’Afrique en utilisant les séries de signaux de T.S. F., semblables à ceux qui sont décrits plus haut, qui sont émis chaque nuit à 23 h. 30 m. par le poste émetteur du Bureau International de l’Heure (Tour Eiffel), et qui sont désignés sous le nom de Signaux horaires Scientifiques Internationaux.

2°. Méthode des séries de même période.—Si la série de signaux de T.S.F. dont il est question plus haut est émise de telle sorte que l’intervalle de temps qui sépare deux signaux consécutifs soit égale à une seconde de temps moyen exactement (par exemple comme dans les signaux transmis par les stations radiotélégraphiques américaines, notamment par Annapolis), on peut également l’utiliser pour comparer avec une précision de l’ordre du 1/100 de seconde les pendules de temps moyen situées dans les stations dont on veut déterminer les différences de longitude.

Quand on écoute une telle série de signaux en même temps que les battements de la pendule locale, par le moyen indiqué précédemment, on perçoit nettement les deux séries, dont le son est généralement différent, et il s’agit de déterminer l’intervalle de temps qui sépare l’un quelconque des signaux de T.S.F, du battement de pendule qui le suit.

On a songé à faire usage de dispositifs qui retardent d’une quantité variable à volonté (depuis zéro jusqu’à une demi-seconde) l’instant où le téléphone est actionné par les courants produits par l’une des deux séries de battements (T.S.F. ou pendule locale), en intercalant par exemple quand c’est possible, un relais retardé dont le retard est réglable et mesurable. Ce procédé n’a pas encore donné de résultats vraiment pratiques.

Il a été proposé * [en note de bas de page : * C.R. de l’Académie des Sciences, 23 novembre 1912 (M. Lippmann).] également de passer par l’intermédiaire d’un petit moteur à vitesse rigoureusement constante et égale à un tour par seconde, pour évaluer le décalage des battements des deux sériés en opérant de la manière suivante :

Un bras métallique est fixé à l’axe du moteur, dont il s’agit et vient toucher à chaque tour deux contacts métalliques distincts dont les positions peuvent être modifiées à volonté, et indépendamment l’une de l’autre, sur une circonférence concentrique à l’axe du moteur. On relie au bras métallique et à l’un des contacts mobiles un circuit électrique contenant une pile et le primaire d’une petite bobine d’induction. Le secondaire de celle-ci est intercalé dans un autre circuit contenant un casque téléphonique et le secondaire une deuxième bobine d’induction dont le primaire est relié à une pile et au contact électrique de la pendule locale (ou bien à un microphone placé de manière à recueillir les bruits des battements de la pendule). L’observateur entend donc simultanément, dans le casque téléphonique, la série des battements produits par la fermeture du courant entre le bras du moteur et le premier contact mobile, ainsi que la série des battements de la pendule. Il est aisé en déplaçant le 1° contact mobile de parvenir à superposer exactement les battements des deux séries de manière que l’oreille n’en perçoive qu’une seule.

Le bras du moteur et le 2° contact mobile sont reliés d’autre part à un autre circuit contenant encore une pile et le primaire d’une petite bobine d’induction dont le secondaire est intercalé dans le circuit du casque téléphonique du récepteur de T.S.F. On entend donc, dans ce casque, simultanément la série des battements produits par la fermeture du courant entre le bras du moteur et le 2° contact ainsi que la série des battements de T.S.F. Il est également aisé, en déplaçant le 2° contact, de parvenir à superposer les deux séries. Lorsque les signaux de T.S.F. sont constitués par des traits, on superpose les battements de la pendule aux débuts des traits.

Soit α l’écart angulaire en dégrés entre les positions des deux contacts après qu’on a effectué les deux opérations qui viennent d’être décrites ; la fraction de seconde θ qui sépare les signaux de T.S.F. des battements de la pendule est évidemment θ = α/360.

La difficulté d’application de cette méthode résulte de celle d’établir un moteur à vitesse rigoureusement constante et égale à un tour par seconde. On est cependant parvenu à synchroniser un tel moteur électrique au moyen d’une pendule. Si la vitesse n’est pas rigoureusement égale à un tour par seconde et a pour valeur 1 + 1/n il est évident que l’erreur commise sur la valeur de θ est N/n’ N désignant le nombre de secondes qui s’est écoulé entre les opérations de superposition des battements faites successivement avec les deux contacts mobiles.

Nous avons modifié cette méthode de manière à pouvoir faire simultanément les deux opérations et supprimer ainsi l’erreur N/n. Un moteur électrique est établi de façon que sa vitesse soit constante, autant qu’il est possible, et de valeur telle qu’un disque qu’il entraîne par engrenage démultiplié tourne à la vitesse d’un tour par seconde. Des résultats assez satisfaisants sont obtenus en faisant usage d’une magnéto motrice, actionné par accumulateurs et munis d’un régulateur de vitesse à force centrifuge, du type employé avec les appareils télégraphiques Baudot. La régularité de vitesse est encore meilleure avec une petite dynamo munie d’un régulateur spécial commandé par diapason (type Guéritot).

Le disque D entraîné par le moteur est fait en matière isolante, mais porte sur sa surface un secteur métallique s dont la largeur est égale au 1/100 de la circonférence. Ce secteur s est relié à une bague métallique isolée m sur laquelle s’appuie un balai b. Deux contacts, munis de balais frottant sur la circonférence du disque D, peuvent être placés en des points quelconques d’une circonférence graduée O.

Le contact A et le balai b sont mis en circuit avec un des téléphones e d’un casque Q, et le secondaire c2 d’une petite bobine d’induction I dont le primaire est relié à une pile p, à un condensateur K de 2 microfarads shunté par une résistance non inductive r ayant 30,000 ohms environ, et enfin au contact n, fermé par la pendule garde-temps P à chacune de ses oscillations. Le contact n peut être remplacé par un microphone ; on supprime dans ce cas le condensateur K et la résistance r.

Le contact A2 et le balai b sont mis en circuit avec le 2° téléphone e2 du casque Q et avec le secondaire c'2 d’un transformateur téléphonique T dont le primaire c'1 est relie au récepteur amplificateur radiotélégraphique A. Celui-ci est connecté soit à l’antenne et à la terre, soit à un cadre récepteur ferme, établi suivant les dispositions actuellement employées en T.S.F.

Le moteur étant mis en route et réglé approximativement, on améliore le réglage de sa vitesse en écoutant dans l’écouteur e1 es battements produits par les fermetures du contact n sous l’action des mouvements du balancier P. Pour que les courants produits par ces fermetures actionnant l’écouteur e1, il est nécessaire que le contact n soit fermé par la pendule pendant que le balai A1 passe [schéma] sur le secteur s. On cherche par tâtonnements la position de A1 satisfaisant à cette condition, et, si la vitesse du moteur est bien constante et bien égale à un tour par seconde, on continue à étendre à chaque tour du disque le battement de la pendule P. En pratique on ne perçoit guère qu’un nombre de battements consécutifs compris entre 20 et 100. Mais il est facile de retrouver l’audition des battements, quand elle a disparu, en déplaçant légèrement à la main le contact A1. Si l’on perçoit x battements sans toucher au contact A1 cela montre que la vitesse du disque est supérieure ou inférieure à une seconde d’une quantité y égale au temps de contact du balai A1 avec le secteur s, divisée par x. La largeur du secteur correspondant à 1/100 de seconde, la quantité y=s/x est de 1/2000 dans le cas de 20 battements consécutifs perçus, et de 1/10,000 dans le cas de 100 battements. L’expérience a montré que les variations de la vitesse sont du même ordre quand le réglage et le montage du moteur, de son régulateur et des accessoires a été fait avec soin.

Ce réglage étant réalisé, l’opérateur fait le nécessaire pour entendre en permanence les battements de la pendule dans le téléphone e1 et cherche à écouter en même temps dans le téléphone e2 la série de signaux de T.S.F. recueillis par le récepteur radiotélégraphique F et qui sont produits avec une période égale à celle de la pendule P.

Il suffit à la rigueur que l’opérateur trouve par tâtonnements une position de A2 qui lui permette d’entendre un signal entre deux battements ou inversement un battement entre deux signaux pour avoir la mesure du décalage des battements par rapport aux signaux. Si α est l’écart angulaire en degrés de A1 et de A2, le décalage exprimé en seconde de temps est θ=α/360. Les petites écarts de vitesse qui peuvent exister, comme on l’a vu plus haut, sont sans influence au degré de précision cherché. Les tâtonnements nécessaires pour trouver les positions convenables de A1 et de A2 sont notablement raccourcis quand on donne à s une assez grande largeur. Il est encore possible, même dans ce cas, d’obtenir une très grande précision en s’astreignant à placer les balais A1 et A2 dans les positions qu’ils devraient occuper si le secteur s se trouvait réduit à son commencement. Dans ces conditions, avec un peu de pratique, on parvient aisément à faire en peu de secondes une comparaison avec la précision du 1/100 de seconde.

Il serait facile, si on en reconnaissait l’utilité, d’augmenter encore cette précision, mais il n’y a pas lieu de développer cette question pour le moment.

Le même dispositif s’applique évidemment pour la comparaison de deux pendules de même période. Il pourrait même être utilisé pour la comparaison de pendules de périodes différentes mais dans ce cas l’opération durerait plus longtemps. Il n’y a pas intérêt à exposer ici le procédé à employer.

La méthode qui vient d’être exposée est applicable aux comparaisons avec les signaux horaires américains. Les vides qui existent dans la série de ces signaux constituent1 des repères permettant d’obtenir la seconde h de la pendule qui suit un signal déterminé sans être obligé de compter les signaux. Il suffit, pour avoir l’heure de la pendule a l’instant de ce signal particulier, de retrancher de h le décalage θ pris dans le sens convenable.

Cette méthode n’a pas encore été mise en service réel.

3°. Méthode de l’enregistrement.—Les opérations que comporte la comparaison des battements d’une pendule avec des signaux de T.S.F. sont grandement facilitées si l’on peut faire usage d’appareils permettant d’enregistrer simultanément les deux espèces de battements sur une bande de papier, car il est alors aisé de mesurer avec la plus grande précision les écarts des battements des deux séries.

Cette méthode a déjà été employée, concurremment avec celle des coïncidences, pour déterminer en 1913 la différence de longitude entre Paris et Washington et elle a donné d’excellents résultats.* [en note de bas de page : * C.R. de l’Académie des Sciences, 21 juillet 1913, M. Baillaud (méthode Abraham).]

La difficulté consiste à transformer les signaux hertziens reçus en courants assez intenses pour être enregistrés sans qu’il soit nécessaire de faire usage d’appareils intermédiaires susceptibles d’apporter des retards importants et variables.

La technique de la T.S.F., qui a fait d’énormes progrès pendant a guerre, permet actuellement d’enregistrer dans de très bonnes conditions des signaux de T.S.F., provenant de postes très éloignés, grâce à 1 emploi des audions ou lampes à trois électrodes et à certains dispositifs spéciaux d’amplification des courants au moyen de ces appareils. On sait également réaliser une bonne protection de la réception des signaux contre des perturbations de toute nature.

La description de ces dispositifs radiotélégraphiques sortirait du cadre de cette note. Nous nous bornerons donc à des indications sommaires sur les appareils d’enregistrement proprement dits.

Les courants, issus des appareils récepteurs de T.S. F. et destinés d’ordinaire à agir sur les téléphones écouteurs, peuvent être renvoyés directement dans un galvanomètre photographique de type quelconque sur la bande duquel ils s’enregistrent. Si on fait agir sur le même galvanomètre les courants produits par le contact de la pendule à comparer aux signaux de T.S.F., on aura sur la même bande l’enregistrement des deux espèces de signaux et il sera facile de mesurer les intervalles de temps qui les séparent2. Pour augmenter la facilité de la mesure et éviter les erreurs pouvant provenir des irrégularités de la vitesse de déroulement du papier photographique, on inscrit encore sur la même bande les vibrations d’un diapason de fréquence connue. Les intervalles de temps à déterminer sont alors mesurés en vibrations et fraction de vibration du diapason. † [en note de bas de page : † Dispositifs, H. Abraham et A. Dufour.]

Ce procédé, qui a donné d’excellents résultats, est d’une pratique un peu délicate. Il y a intérêt à remplacer, chaque fois que cela est possible, l’enregistreur photographique par un enregistreur graphique.

On a fait usage en France avec succès, pendant la guerre, pour le repérage des canons par le son, d’enregistreurs comportant une bande étroite de papier noircie automatiquement au noir de fumée pendant son déroulement. Un électro-aimant, spécialement établi, est traversé par les courants à enregistrer. Sa palette porte une tige légère terminée par une fine plume d’acier. Celle-ci est appuyée sur le papier et les courants sont alors inscrits par un trace blanche sur le papier noirci.

L’appareil permet de faire tracer à la fois plusieurs plumes, commandées de la même façon que ci-dessus, sur la même bande de papier, et d’enregistrer ainsi simultanément plusieurs séries de signaux, par exemple : T.S.F., battement de pendule, diapason. Pour la T.S.F. et les battements il est nécessaire toutefois de tarer les enregistreurs, c’est-à-dire d’évaluer pour chacun d’eux le temps qui sépare l’instant où se produit le phénomène à enregistrer de celui où il s’enregistre effectivement sur la bande. On corrige de ces retards les lectures faites sur la bande.

Pour obtenir plus de sensibilité avec ce mode d’enregistrement on remplace l’électro portant la plume par un “magnéto-oscillographe à plume ” qui permet d’inscrire très nettement des courants dont l’intensité est inférieure à un 1/10 de milliampère.* [en note de bas de page : * C.R. de l'Académie des Sciences, 28 juillet 1919 (MM. H. Abraham et E. Bloch).]

Cet enregistreur est associé à des appareils récepteurs de T.S.F. dont le pouvoir amplificateur permet de donner aux signaux à inscrire l’intensité suffisante pour actionner le magnéto-oscillographe.

La mesure des corrections à apporter aux lectures des signaux de T.S.F. et des battements de la pendule locale peut être évitée en enregistrant signaux et battements avec la même plume. Il suffit pour cela de disposer sur le contact électrique de la pendule un circuit constitué et placé de telle sorte que la petite étincelle qui se produit à chaque contact agisse sur l’antenne (ou le cadre) qui recueille les signaux de T.S.F. à enregistrer. Les signaux produits par les battements de la pendule ont alors à actionner, avant d’être enregistrés, tous les mêmes appareils que les signaux de T.S.F. Les retards dus aux intermédiaires sont ainsi rendus identiques et il n’y a plus de correction à faire. L’inconvénient de cette façon d’opérer est que la superposition de deux séries de signaux rend la lecture un peu plus difficile.

Les signaux de T.S.F. à transmettre pour effectuer des comparaisons de pendules par enregistrement peuvent évidemment être quelconques et très courts. Il suffit qu’on puisse les distinguer aisément.

Il n’est pas sans intérêt de remarquer incidemment que le même appareil enregistreur peut être utilisé comme “chronographe” pour les observations astronomiques destinées à la détermination de l’heure locale.

En résumé, on voit que, dans les déterminations de différences de longitudes, la partie de l’opération qui consiste dans la comparaison des pendules peut être faite par les diverses méthodes qui viennent d’être exposées avec toute la précision désirable, l’erreur restant inférieure à 1/100 de seconde.

Les déterminations de différences de longitudes entre différents points de la terre effectuées jusqu’à ce jour sont très nombreuses. Celles qui sont adoptées ont été faites pour la plupart au moyen de lignes ou de câbles télégraphiques avec les instruments les plus divers et dans des conditions de précision fort inégales. Aucun plan d’ensemble n’avait été établi pour leur réalisation, de plus certaines d’entre elles sont manifestement erronées.

Il paraît donc nécessaire de profiter des grandes facilités que donne maintenant la télégraphie sans fil pour reprendre entièrement la question suivant un plan bien arrêté. Le point de départ de ce travail d’ensemble devrait être la détermination aussi exacte que possible des positions relatives de quelques points du globe qui formeraient le canevas fondamental auquel toutes les déterminations ultérieures seraient rapportées.

Le Bureau des Longitudes a pris l’initiative de consulter à ce sujet un certain nombre d’organisations officielles et de personnalités scientifiques. Les bases du projet présenté sont les suivantes: —

Constituer un polygone, fermé autour de la terre et comportant le plus petit nombre possible de sommets. Celui-ci peut être fixé à trois, situés dans l’hémisphère nord, sur des méridiens écartés de 8 heures les uns des autres de manière qu’il soit possible de faire des observations astronomiques simultanées en deux quelconques des trois sommets en opérant en automne ou en hiver.

Déterminer d’une part les latitudes des trois points et d’autre part les différences de longitude entre les sommets successifs en effectuant les comparaisons des pendules au moyen de signaux émis par des stations radiotélégraphiques puissantes et convenablement choisies. La somme des différences de longitude ainsi déterminées devant être de 360°, on aura une vérification qui donnera une idée assez nette de leur exactitude.

Les points proposés comme sommets du canevas principal sont Paris, Shangaï [Shanghai] et San Francisco (ou un point situé dans le voisinage), dont les latitudes ne sont pas trop différentes.

Les signaux radiotélégraphiques seraient transmis par Lyon (ou Bordeaux) pour Paris et Shangaï, par Honolulu pour Shangaï et San Francisco, et par Annapolis pour San Francisco et Paris.

Quand cette opération fondamentale aura été achevée en mettant en œuvre les méthodes et appareils donnant le maximum de précision, il y aura lieu de relier par des opérations secondaires aux trois sommets du polygone principal, le plus grand nombre possible de points géographiques importants. Toutefois, il serait à désirer qu’on puisse profiter de l’exécution de l’opération fondamentale pour déterminer les positions géographiques exactes d’un certain nombre de points particulièrement importants. Il conviendrait notamment de comprendre dans les stations à déterminer en premier lieu l’Observatoire de Greenwich, de façon que les positions relatives de cet établissement et de celui de Paris, qui sont les deux plus anciens observatoires du monde et auxquels sont déjà rapportées un très grand nombre de longitudes, soient connues avec la plus grande exactitude et aussi que soient connues les longitudes absolues des points du canevas fondamental.

Il serait également très important de déterminer avec une très grande précision, la position géographique d’un point de la nouvelle Zélande, située à l’antipode. On connaîtrait ainsi avec une grande exactitude les positions relatives des quatre sommets d’un tétraèdre. En reprenant de temps en temps leur détermination on pourrait se rendre compte de leur invariabilité au degré de précision des mesures.

Des études ont déjà été entreprises3 pour l’amélioration des instruments et des procédés susceptibles d’être employés dans l’opération fondamentale et aussi en vue de permettre de choisir judicieusement ceux qui devront être adoptés.

Il paraît nécessaire en effet de ne faire usage que de procédés et d’appareils partout identiques de manière à éliminer, le cas échéant, par la fermeture du polygone, certaines erreurs systématiques que pourraient comporter les procédés et instruments employés.

Les travaux entrepris dans ce but en France, sous les auspices du Bureau des Longitudes, ont permis de réaliser d’une part les enregistreurs très sensibles dont il a été question plus haut, et d’autre part un type d’astrolabe à prisme photographique * [en note de bas de page : * C.R. de l’Académie des Sciences, 4 mai 1919 (M. R. Baillaud).] qui paraît susceptible de donner de bons résultats pour les déterminations dont il s’agit.

Une commission de savants appartenant aux nations spécialement intéressées à l’exécution de l’opération fondamentale (Grande Bretagne, Etats-Unis, France) pourra vraisemblablement être réunie dans un avenir pas trop éloigné pour arrêter le programme détaillé et définitif des travaux à entreprendre. La date de leur exécution pourrait être fixée à l’hiver 1921-1922.

En ce qui concerne le service international de l’heure, il se divise comme on le sait en deux parties distinctes:—Emission de signaux horaires à des heures fixées à l’avance et de telle sorte que ces signaux soient produits avec une précision de l’ordre du 1/10 de seconde. Ce degré d’exactitude est largement suffisant pour les navigateurs, explorateurs, administrations, particuliers, etc. auxquels les signaux sont destinés.—Emission de signaux spéciaux devant permettre aux établissements scientifiques, et notamment aux observatoires, de recueillir l’heure internationale avec une précision de l’ordre du centième de seconde. Ces émissions présentent un grand intérêt pour les observatoires astronomiques en particulier, soit qu’elles leur évitent de déterminer eux-mêmes l’heure locale, soit qu’elles leur permettent de comparer le résultat de leurs observations à ceux du Bureau International. Cela suppose en revanche que leur longitude a été préalablement déterminée avec une grande exactitude.

Ces mêmes signaux présentent également l’avantage de permettre d’utiliser les pendules possédées par les observatoires qui les reçoivent, et éventuellement leurs observations d’heure à l’amélioration de la connaissance de l’heure par le Bureau International. Les résultats des comparaisons peuvent en effet être transmis chaque jour à ce Bureau, et entrer en ligne de compte pour la détermination des corrections à apporter à l’heure possédée par lui. Cette organisation est, en fait, pratiquée depuis la Conférence Internationale de 1912 qui a fixé le schéma des signaux à transmettre (série de points comme il a été dit plus haut) et leur a donné le nom de “signaux horaires scientifiques.”

Lorsque les observatoires intéressés seront munis d’enregistreurs du genre de ceux dont on a parlé au début de cette note, le service horaire sera grandement amélioré.

Des appareils de ce genre sont en cours d’installation à l’Observatoire de Paris (Bureau International de l’Heure). Ils permettront d’enregistrer régulièrement chaque jour les signaux horaires transmis par les grands postes radiotélégraphiques de Paris, Lyon, Nauen, Annapolis, etc. etc., et de contrôler effectivement l’exactitude relative de ces signaux.

Des spécimens d’enregistrements de ces signaux horaires sont joints à la présente note. * [en note de bas de page : * [Not reproduced.]]

Par ailleurs, l’existence de postes radiotélégraphiques de très grande puissance en Europe et aux Etats-Unis (Bordeaux et Annapolis) permettrait aux observatoires américains de prendre une part effective et efficace au service horaire international.

Il suffirait en effet que les postes de Bordeaux et d’Annapolis envoient chaque jour, à une heure déterminée, quelques signaux radiotélégraphiques qui seraient tous enregistrés à la fois au Bureau International de l’Heure (à Paris) et à l’Observatoire naval de Washington (chargé du service horaire américain). Les heures exactes du commencement du 1° signal de Bordeaux et du 1° signal d’Annapolis seraient déterminées dans les deux établissements, puis envoyées en même temps que les signaux du lendemain par le poste de Bordeaux, en ce qui concerne les déterminations faites par le Bureau International, et par le poste d’Annapolis, en ce qui concerne les déterminations du service américain.

Le même résultat pourrait aussi être obtenu en faisant transmettre par Bordeaux et Annapolis des signaux horaires scientifiques semblables à ceux que transmet actuellement la tour Eiffel.

Les heures correspondant aux signaux de la veille devaient être transmises avant les signaux eux-mêmes pour éviter toute confusion.

Ces émissions journalières pourraient également être recueillies par les observatoires du monde entier qui ont intérêt à profiter du service horaire international ou à y prendre part.

Il semble donc que l’on est bien près d’atteindre pour la détermination des positions géographiques et pour le service horaire la limite de précision que comporte l’état actuel de nos connaissances au sujet des positions d’étoiles. Pour aller plus loin encore il faudra améliorer les méthodes et appareils destinés à déterminer les positions d’étoiles. Peut-être conviendrait-il d’entrer dès maintenant dans cette voie.

Paris :

1920 Avril 22.

1 Il y a une coquille dans le texte original : « constitutent ».

2 Il y a une coquille dans le texte original : « déparent ».

3 Il y a une coquille dans le texte original : « enterprises ».

Type de document Procès-verbal
Transcripteur Muller, Julien
Commentaires Il s'agit d'une brochure, reliée, conditionnée à part.
Collection Volume 1919-1923
Citer ce document “Note sur les procédés actuels d'emploi de la T.S.F. dans la détermination des longitudes”, 1920-09-08, Les procès-verbaux du Bureau des longitudes, consulté le 29 mars 2024, http://purl.oclc.org/net/bdl/items/show/6636

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