Les procès-verbaux du Bureau des longitudes

[Discours fait par Lou Kao, directeur de l'Observatoire de Pékin, devant le Bureau des Longitudes]

Titre [Discours fait par Lou Kao, directeur de l'Observatoire de Pékin, devant le Bureau des Longitudes]
Créateur Gao, Lu (1877-1947)
Contexte Volume 1919-1923
Date 1920-11-03
Identifiant O1919_1923_119
Relation O1919_1923_118
Format 21 x 27,3 cm; image/jpeg;
Éditeur Bureau des longitudes; Observatoire de Paris; Laboratoire d'Histoire des Sciences et de Philosophie - Archives Henri Poincaré (UMR 7117 CNRS / Université de Lorraine);
Droits CC BY-SA 3.0 FR
Type Dactylographié; Text; Discours;
Description

[en haut à gauche, au crayon de papier : mots illisibles]

LA CONFÉRENCE faite au Bureau des Longitudes à Paris le <3 novembre 1920> [barré : Janvier 1921]

-

La science astronomique de Chine

Monsieur le Président et Messieurs,

Je suis très heureux et même très touché de pouvoir venir parler au milieu des savants français dans le bureau des longitudes ; je remercie infiniment M. Andoyer le Président, d’avoir bien voulu m’accorder une si grande hospitalité.

Je me rappelle qu’il y a quelques semaines quand j’ai assisté à votre séance hebdomadaire que M. Andoyer m’invita de venir parler à une des séances sur l’astronomie ancienne de Chine, en même temps que M. Bigourdan m’exigea de lui apprendre sur les questions qui n’ont pas été faites par Goubil [Gaubil ?]. Or, devant cette double exigence il me parait bien embarrassant de la traiter. J’avoue franchement, chers Messieurs, que je suis moins savant et beaucoup plus arriéré que Goubil, parce qu’il a vécu trois cents ans avant moi et il se trouvait dans un milieu impérial où on disposait de tous les privilèges, et cela d’une durée de trente à quarante ans ; donc il devait être [barré : m] mieux placé et mieux renseigné, mais pour aujourd’hui je <vous> parle de cette science en trois périodes distinctes :

La première question qui intéresse tout le monde est l’ancienneté de cette science [barré : /] On veut savoir à quelle nation appartient [barré : l’] <son> Inventeur ? et à quelle époque elle a son origine ? Depuis des siècles on les a cherchés, personne ne saurait [barré : les] <la> prononcer à haute voix ; les anciens savants français comme Gaubil, Le Gentil, Bailly etc… ont beaucoup étudié là-dessus ; mais je trouve que c’est avec Bailly qu’on avait une vue plus longue. En effet, il a reconnu que l’origine de la science astronomique doit être en Asie donc il faut la chercher parmi les peuples d’Asie et en connaître l’histoire qui est la plus ancienne. Bailly croit que tous les peuples de cette contrée, des temps anciens marqués par des fables et par des nombres prodigieux d’années, peuvent se produire à l’intervalle qui sépare deux époques mémorables, celle de la création et celle des déluges, et il conclut que des hommes issus de la même souche, partis d’un centre commun, placés, dans l’Asie, ont emporté avec eux la mémoire de ces premiers temps, celle des différentes révolutions, par lesquelles une astronomie perfectionnée réglait la chronologie et qu’ensuite établis dans de différentes contrées de la terre, ils ont tous commencé leurs histoires par celle de leurs ancêtres communs.

Cette hypothèse faite par Bailly allons-nous la reconnaître ? Oui puisque à la création on ne peut trouver aucune trace, on est obligé de se satisfaire en commençant par après le déluge ; M. Matgioi disait dans son ouvrage de la voie métaphysique, que les savants occidentaux veulent toujours remonter au commencement des temps, grimpe sur l’échelle de Jacob, et faute de mieux, s’accrocha à ce judaisme qui n’est qu’une sanglante parodie des vieux cultes indous, et à ce mosaisme qui n’est qu’une adaptation égyptienne délavée dans la mer rouge ; mais nous connaissons aujourd’hui de mieux et de plus nobles origines, ce sont les traditions chinoises qui sont soigneusement cachés derrière les grandes murailles, à l’abri des civilisations les plus fermées et les plus authentiques des mondialités.

La vraie histoire de Chine remonte sur le règne de Fohi, à partir de l’an 3468 avant l’ère chrétienne. Cette chronologie est assise, non pas sur les calculs modernes plus ou moins fantaisistes mais sur la description précise de l’état du ciel à l’époque où règne Fohi ; Nailly a également remarqué que le Chinois est un peuple le plus ancien de la terre, si l’on rapporte aux monuments authentiques, le plus jaloux de son antiquité et le plus soigneux d’en conserver le souvenir. S’il y a un peuple dont la chronologie et l’histoire méritent quelques croyances, c’est celui chez qui le soin de conserver les faits historiques a été une affaire d’état, fournie à un tribunal où tout est pesé, épuré avec l’équité et les respects qui sont dus à la postérité. C’est le seul exemple qu’il y ait sur la terre d’une pareille installation.

Donc Bailly a reconnu l’ancienneté de l’histoire mais il disait que cette époque est la reconnaissance de l’astronomie mais non pas l’origine ; par contre M. Wheler, dans son voyage du levant a appris à Constantinople que parmi les manuscrits arabes ou persans, qui y étaient alors dans la bibliothèque du Serrail, on avait vu un ancien livre d’astronomie chinois qui expose l’usage de l’aiguille <aimentée [aimantée]> ; j’ajoute à cette occasion que l’Arabe ou le Persan sont plus près de l’Inde que de la Chine ; cette connaissance enfouie en Perse, ou en Arabe, serait donc encore un témoignage dont les Perses ou les Arabes auraient hérité de la Chine et non pas de l’Inde.

Je vais vous prouver encore pourquoi le nom de cet inventeur est caché. Les Chinois ont leur respect tout entier envers leurs ancêtres. C’est une attitude exceptionnelle. L’ancien inventeur de la science astronomique, était probablement d’opinion, par l’exigence du respect, de ne devoir pas prendre cette invention pour son propre compte et considérer comme un héritage de ses ancêtres ou un bienfait du ciel.

Ainsi donc il n’est pas possible de ne pas attribuer à la nation dont l’histoire écrite est reconnue la plus ancienne, l’intention de cette science1, car sans l’astronomie on ne connait pas le temps et l’histoire ne saurait exister.

En ce qui concerne le développement de cette science qui s’était passé en Chine non moins remarquablement, je ne remonte pas aux temps très reculés <pour cette seconde période>. Je ne parle que de ceux qui nous ont laissé encore ses calculs et ses méthodes.

206 années après J.C. à la Dynastie de Ton Han [sinogrammes], un astronome chinois qui s’appelle Liou Houang [sinogrammes], calcula le déplacement de la lune et trouva deux sortes de mouvements c’est-à-dire les mouvements lents et rapides.

180 ans après, à la dynastie de Ton Tseing [sinogrammes], l’astronome Tsiang Yi [sinogrammes], par une éclipse2 de la lune il connut la constellation où demeure le soleil.

57 ans après, à la dynastie de Son [sinogramme] l’astronome Ho-Tcheng Tien, [sinogrammes], calcule l’âge de la lune.

65 ans après, Tsou Tchoug-Se [sinogrammes], connut la parallaxe du soleil et détermine le polaire à un degré près du pôle vrai ;

52 ans après, Tchang Tse Seng [sinogrammes], calcula les mouvements des cinq planètes dans la voie ascendante ou descendante

33 ans après l’astronome Léon Cho [sinogrammes], calcula la variation du mouvement du soleil.

35 ans, après Fou-jen-Tchen [sinogrammes], détermina la [barré : pleine lune] <date de la pleine lune.>

46 ans après l’astronome Li-Tchun-Fong [sinogrammes], détermina la date de la pleine lune forcée

63 ans après l’astronome [barré : Tseing] Y Hen [sinogrammes] <prêtre chinois>, calcula les éclipses du soleil et de la lune.

94 ans après, l’Astronome Tsu-Gnan [sinogrammes], porta une correction sur les [barré : trois variations des] mouvements du soleil

236 après, astronome You Son Fou [sinogrammes], calcula l’éclipse totale du soleil.

Je cite encore une ancienne théorie sur l’origine du monde dont l’auteur est <aussi> inconnu. Il semble que cette théorie nous est parvenue depuis le 12e siècle. Le texte en est gravé sur pierre qui se trouve à l’ancien capital du sud. Je le traduis textuellement comme ci-dessous :

Quand le Tai-Ki “évolution primitive” n’était pas encore divisé le ciel, la terre et l’homme, qui sont les trois essences qui <y> étaient contenus ; c’est ce que nous appelons le chaos c’est-à-dire3 que le ciel, la terre et l’homme étaient confondus dans un mélange confus et non distinctement séparés ; quand le Tai Ki fut parfaitement séparé, ce qui était léger et pur devient le ciel, ce qui était lourd et impur devient la terre ; et le mélange du pur et de l’impur devient l’homme, le léger et le pur est le souffle, le lourd et l’impur est la forme, le souffle et la forme unis ensemble constituent l’homme, C’est pourquoi tout ce qui se découvre entre le ciel et la terre est la conséquence naturelle de Tai Ki. Par mouvement il engendra le soleil et la lune. Etant séparé, il forma les cinq planètes arrangées en file ; il constitua les vingt huit constellations zodiacales. Groupé ensemble, il fait le boisseau “le grand ourse” et la polaire. Rien n’avait sa loi naturelle qui ne corresponde à la morale humaine et que nous ne pouvons pas connaître la raison etc…

Il y a <encore> beaucoup de travaux qui sont très intéressants et mal connus. La place nous manque ici pour les traiter.

Enfin parlons maintenant de l’état actuel depuis dix ans c’est-à-dire, au commencement de la République, l’astronomie de Chine prend une autre face ; les travaux scientifiques consistent dans l’adaptation du calendrier grégorien, dans la publication d’un annuaire astronomique, dans la fixation du faisceau horaire à sa contrée entière et dans la participation au bureau international de l’unification des heures. Le service de l’heure est basé sur l’observation méridienne du soleil et d’étoile ; il est journalier, tandis que le service magnétique est hebdomadaire. Le projet de faire un tracé d’égale inclinaison d’un rayon de cinq cents km dont le centre est à Peking est déjà commencé ; le service météorologique s’occupe de tracer des cartes d’isobares chaque jour et les observations sont de toutes les heures. La prévision du temps pour le champ d’aviation est spécialement organisée.

Nous espérons que d’ici peu de temps nous construirons un nouveau observatoire moderne et [barré : complet] <bien outillé> pour que nous puissions collaborer avec les savants occidentaux pour [barré : faire] <prendre> une faible part à la science astronomique.

1 Il y a une coquille dans le texte original : « sciance ».

2 Il y a une coquille dans le texte original : « aclipse ».

3 Il y a une coquille dans le texte original : « c(est-à-dire ».

Type de document Procès-verbal
Transcripteur Muller, Julien
Commentaires Le nom de l'auteur s'écrit également Lou Kao. Numéroté de 2 à 7.
Collection Volume 1919-1923
Citer ce document “[Discours fait par Lou Kao, directeur de l'Observatoire de Pékin, devant le Bureau des Longitudes]”, 1920-11-03, Les procès-verbaux du Bureau des longitudes, consulté le 28 mars 2024, http://purl.oclc.org/net/bdl/items/show/6648

Item Relations

This item has no relations.

FR751142302_006_016153_A.jpg
FR751142302_006_016154_A.jpg
FR751142302_006_016155_A.jpg
FR751142302_006_016156_A.jpg
FR751142302_006_016157_A.jpg
FR751142302_006_016158_A.jpg
FR751142302_006_016159_A.jpg
FR751142302_006_016160_A.jpg
FR751142302_006_016161_A.jpg
FR751142302_006_016162_A.jpg
FR751142302_006_016163_A.jpg
FR751142302_006_016164_A.jpg
FR751142302_006_016165_A.jpg
FR751142302_006_016166_A.jpg