Les procès-verbaux du Bureau des longitudes

Bureau des Longitudes - Procès-verbal de la séance du 9 avril 1924

Titre Bureau des Longitudes - Procès-verbal de la séance du 9 avril 1924
Créateur Jobin, Amédée (1861-1945)
Contexte Volume 1924-1926
Date 1924-04-09
Contributeur Jobin, Amédée (1861-1945); Picard, Émile (1856-1941);
Identifiant O1924_1926_018
Format 19,7 x 30,5 cm; image/jpeg;
Éditeur Bureau des longitudes; Observatoire de Paris; Laboratoire d'Histoire des Sciences et de Philosophie - Archives Henri Poincaré (UMR 7117 CNRS / Université de Lorraine);
Droits CC BY-SA 3.0 FR
Type Dactylographié avec corrections manuscrites; Text; Procès-verbal;
Description

Bureau des Longitudes.

Procès-verbal de la Séance du 9 AVRIL 1924.

Présidence de M. PICARD

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

Le Bureau reçoit les ouvrages mentionnés aux livres des entrées.

A propos de la préparation du Congrès de Madrid dont il est fait mention au procès-verbal, M. le Président annonce que M. SCHUSTER a reçu la visite de l’Ambassadeur d’Espagne à Londres, qui lui a demandé si l’on pourrait inviter les Allemands au Congrès.

M. SCHUSTER a répondu que les statuts actuels du Conseil international de Recherches s’opposaient à cette invitation.

M. le Président rappelle que le Bureau est invité, par M. le Président du Conseil, Ministre des Affaires étrangères, à donner son avis sur les conclusions de la Commission des Communications et du Transit de la Société des Nations au sujet de la réforme du Calendrier. Il donne lecture des dites conclusions et invite les Membres du Bureau à présenter leurs observations.

M. BIGOURDAN considère que le côté scientifique du problème du calendrier a été complètement épuisé au Congrès de Rome en 1922, et que la question qui se pose aujourd’hui est d’ordre purement administratif. L’Union astronomique a pourtant émis un vœu en faveur de la stabilisation de la fête de Pâques, et la Commission a résumé sa manière de voir en trois conclusions qui sont celles du document CL.114 de la Société des Nations.

M. LALLEMAND fait savoir que l’Académie des Lincei s’est ralliée aux trois points en question et a émis le vœu qu’on réunisse une Conférence internationale, comprenant des représentants de la science, du commerce et de l’industrie, pour établir sur ces bases le projet définitif de la réforme. M. LALLEMAND estime que le Bureau devrait appuyer la proposition de l’Académie des Lincei.

M. DESLANDRES déclare se ranger aux propositions présentées, mais en demandant toutefois d’affirmer plus nettement le principe essentiel de la rupture de la continuité de la semaine. M. DESLANDRES rappelle que les défauts du calendrier ordinaire sont signalés depuis longtemps : désaccord entre les trimestres et les saisons, non concordance entre les jours et les quantièmes dans les années successives. En 1884, la Société astronomique de France avait organisé un concours pour le choix du meilleur calendrier. Le projet primé, dû à M. ARMELIN, était basé sur la rupture de la continuité de la semaine et comportait une année formée de 4 trimestres égaux comprenant 13 semaines et 91 jours, avec intercalation de un ou deux jours complémentaires, suivant que l’année était ordinaire ou bissextile. Ce calendrier extrêmement simple et invariable s’est heurté au début à l’hostilité des hommes d’Eglise, qui considéraient la semaine comme intangible. Cependant, M. DESLANDRES s’est assuré personnellement que le Sacré Collège ne faisait pas de la continuité de la semaine une question de dogme et qu’il accepterait le nouveau calendrier si la majorité des catholiques l’acceptait.

En 1913, sur la proposition de M. DESLANDRES, la question fut portée devant l’Association internationale des Académies réunie à Petrograd. Une Commission du Calendrier fut nommée, mais ses travaux furent empêchés par la guerre. La question fut ensuite reprise à la fin de 1918 par M. BIGOURDAN, mais avec une diminution sensible de la portée de la réforme, par la conservation intégrale de la semaine.(α) Par contre, les Chambres de Commerce sont d’avis d’adopter la rupture. Pour conclure, M. DESLANDRES se rallie à l’opinion de l’Académie des Lincei. (β) [en note de bas de page : (β) M. Deslandres remarque alors que dans ces conditions M. Bigourdan ne soutient pas les conclusions réelles de la commission de Rome.]

[au crayon de papier, barré : (β)] M. BAILLAUD expose qu’il a eu antérieurement, comme Directeur de l’Observatoire, à donner son avis sur la réforme du calendrier. Cette question ne lui paraissait tout d’abord avoir aucune chance d’aboutir. A la réunion de Bruxelles pour la reconstitution du Comité international de recherches scientifiques, on institua une Commission du Calendrier. La présidence en fut offerte au Cardinal MERCIER, qui accepta sous condition qu’on nommerait également, non pas un vice-président, mais un deuxième président, lequel fut M. BIGOURDAN. Cette adhésion du Cardinal MERCIER était bien faite pour calmer les scrupules religieux, mais peu après, à la suite d’un voyage à Rome, le Cardinal envoya sa démission. Néanmoins, après mûre réflexion, M. BAILLAUD se rallie complètement au principe de la réforme. Il a été très frappé de ce qu’au Congrès de Rome, la Commission a été unanime à reconnaître les inconvénients que présente le calendrier grégorien pour la société moderne. Si l’Union astronomique ne s’est pas prononcée par un vote formel, c’est qu’elle a considéré qu’il ne s’agissait pas à proprement parler d’une affaire d’Astronomie. Maintenant, c’est la Société des Nations qui reprend la question. La Cour de Rome et les autres groupements chrétiens ont des représentants autorisés dans la Commission. M. BAILLAUD ne peut que donner un avis favorable sur l’opportunité d’étudier la question.

M. BIGOURDAN considère qu’il importe surtout d’aboutir à une entente sur la fixation de la fête de Pâques, mais reconnaît qu’il ne serait pas inutile de régler également la question de la semaine. Peut-être pourrait-on profiter de la réunion, l’année prochaine, d’un Concile œcuménique à Rome pour lui soumettre la question. Il ne faut d’ailleurs pas se dissimuler qu’elle rencontrera une répugnance très grande dans le monde chrétien, car l’Eglise anglaise s’est prononcée contre la rupture beaucoup plus énergiquement que le Vatican ; l’Eglise grecque a émis un vœu dans le même sens. Malgré ces oppositions, il ne paraît pas impossible de concilier les avantages de la rupture avec la tradition mosaïque de la continuité. C’est ainsi qu’avant la guerre un jésuite avait proposé de constituer les années communes avec 52 semaines exactes, soit 364 jours, puis d’ajouter tous les cinq ans une 53ème semaine. On obtiendrait ainsi, au bout d’un cycle de 400 ans, la même concordance qu’avec le calendrier grégorien et chaque quantième d’un même mois correspondrait au même jour dans les années successives.

Le Bureau est d’avis que pour diverses raisons, particulièrement d’ordre économique, une année de 53 semaines constituerait une innovation difficilement acceptable.

[au crayon de papier : (β)] M. JOBIN estime qu’il ne faut pas accorder une importance exagérée à l’avis des Chambres de Commerce ; beaucoup d’industriels et de commerçants n’éprouvent aucune gêne des inconvénients incriminés. Il se demande d’autre part si le rôle du Bureau ne devrait pas se borner à exposer les bases scientifiques du calendrier, en remettant la décision aux pouvoirs publics après consultation des divers groupement intéressés.

M. LALLEMAND juge au contraire qu’il est plus conforme aux statuts du Bureau de ne pas s’abstenir dans une question de cette nature.

M. le Président fait d’ailleurs observer qu’une réponse ferme est demandée au Bureau et qu’il est préférable que le Bureau formule un avis personnel, sans se référer aux décisions antérieures des autres assemblées scientifiques.

M. FICHOT pense qu’il y aurait lieu de prendre également en considération l’opinion des agriculteurs. Certaines périodes météorologiques, telles que la lune rousse, ne sont pas sous la dépendance exclusive de l’influence solaire et sembleraient plutôt déterminées par les mêmes concordances dans les positions de la Lune et du Soleil qui interviennent dans la fixation de la fête de Pâques.

M. ANDOYER rappelle qu’il a souvent manifesté sa préférence pour le statu-quo et que le moment où diverses puissances dissidentes viennent d’adopter le calendrier grégorien lui paraît mal choisi pour procéder à une nouvelle réforme.

MM. DESLANDRES et LALLEMAND insistent encore pour l’adoption du principe d’une réforme qui doit assurer à tous les hommes une économie de pensée.

M. BIGOURDAN propose au Bureau de se rallier aux conclusions de la Commission du Congrès de Rome.

M. le Président conclut que la question qui vient d’être discutée n’est pas d’ordre scientifique et que le Bureau se trouve en présence de l’alternative suivante :

ou bien faire une réponse vague, se bornant à des généralités,

ou bien donner son avis sur le fond même de la question

Le Président se prononce pour le second terme de l’alternative et met aux voix la première question suivante :

“Le Bureau est-il d’avis que la réforme du calendrier doit être basée sur la rupture de la continuité de la semaine ?”

Par 5 voix contre 3, sur 8 votants, le Bureau se prononce pour la négative.

M. le Président met alors aux voix cette seconde question :

“Le Bureau est-il d’avis que la fête de Pâques soit fixée à un Dimanche d’Avril à préciser ?”

Par 6 voix contre 2, le Bureau se prononce pour l’affirmative.

La séance est levée à 17 Heures.

Le secrétaire :

A. Jobin

Type de document Procès-verbal
Président de la séance Picard, Émile (1856-1941)
Transcripteur Muller, Julien
Collection Volume 1924-1926
Citer ce document “Bureau des Longitudes - Procès-verbal de la séance du 9 avril 1924”, 1924-04-09, Les procès-verbaux du Bureau des longitudes, consulté le 29 mars 2024, http://purl.oclc.org/net/bdl/items/show/6849

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