Les procès-verbaux du Bureau des longitudes

Copie du Rapport fait à la Convention Nationale dans sa séance du 7 messidor de l'an III (25 juin 1795. 8. S) par le Représentant du Peuple Grégoire sur l'Etablissement du Bureau des Longitudes

Titre Copie du Rapport fait à la Convention Nationale dans sa séance du 7 messidor de l'an III (25 juin 1795. 8. S) par le Représentant du Peuple Grégoire sur l'Etablissement du Bureau des Longitudes
Créateur inconnu
Contexte Registre 1804-1813 (copies)
Date 1795-06-25
Identifiant C1804_1813_004
Format 24,5 x 38,5 cm; image/jpeg;
Éditeur Bureau des longitudes; Observatoire de Paris; Laboratoire d'Histoire des Sciences et de Philosophie - Archives Henri Poincaré (UMR 7117 CNRS / Université de Lorraine);
Droits CC BY-SA 3.0 FR
Type Manuscrit; Text; Rapport;
Description

Copie du Rapport fait à la Convention Nationale dans la Séance du 7. Messidor de l’An III (25 Juin 1795.8.5) pour le Représentant du Peuple Grégoire sur l’Etablissement du Bureau des Longitudes.

Je viens au nom de vos Comités de Marine, des finances et d’Instruction publique, vous proposer l’Etablissement d’un Bureau des Longitudes.

L’Exposé des raisons qui motivent cette demande, prouvera l’indispensable nécessité de ce moyen, pour faire fleurir notre Marine.

Themistocles disoit : quiconque est maître de la Mer, l’est de la Terre.

Un de nos Poëtes exprimoit la même idée à sa manière, en disant

“Le Trident de Neptune est le Sceptre du Monde”

Les succès des Anglais, à diverses époques, et spécialement dans la guerre de 1761, n’ont que trop prouvé que la supériorité de la Marine décide souvent du résultat de la Guerre.

Une des mesures les plus efficaces pour étouffer la tyrannie britannique ; c’est de rivaliser dans l’Emploi des moyens par lesquels cet état, qui ne devoit jouer qu’un Rôle secondaire dans l’ordre politique, est devenu une puissance colossale.

Or les Anglais bien convaincu que sans astronomie on n’avoit ni commerce ni marine, ont fait des dépenses incroyables pour pousser cette science vers le point de perfection.

Si j’avois à rappeler tous les bienfaits de l’astronomie, je dirois que, sans elle, les hommes n’auraient jamais eu la véritable mesure du Temps. L’ignorant sait-il que l’exactitude de son calendrier résulte des observations les plus profondes sur l’état du Ciel ?

L’Astronomie a débrouillé le chaos des âges ; sans elle plusieurs Ecrivains anciens eussent été incompréhensibles. On sait combien elle a prêté de secours aux auteurs de l’art de vérifier les dates, l’un des meilleurs ouvrages de notre Siècle, et quel jour Pingré a jeté sur l’histoire par la chronologie des Eclipses, fondée sur l’ordre invariable du mouvement des Corps Célestes.

A côté de la Halle au bled, un monument existe encore, il atteste la superstition d’une femme qui croyoit à l’astrologie et qui ne croyoit point à la vertu.

Les météores, les Aurores boréales et les Comètes ont conservé, presque jusqu’à nos jours, le privilège d’effrayer la terre

Les efforts de Bayle et d’autres philosophes, pour guérir ces maladies de l’Esprit humain, ne furent pas un petit service rendu à la société, si l’on considère combien il importe de la sortir de l’Enfance, et combien les Rêveries astrologiques ont influé sur le sort des Nations.

Enfin, sans l’astronomie, la géographie seroit encore au berceau ; c’est en rapprochant les observations Célestes, les expériences faites à diverses latitudes sur la gravité et les mesures de diverses degrés du Méridien, qu’on a déterminé la figure de la Terre, et révélé le vrai Système du Monde.

Mais le point de vue sous lequel il nous importe surtout de considérer l’astronomie C’est relativement à son influence sur la Marine et le Commerce, qui firent la gloire et la richesse de la Phénicie, de Rhodes et de Carthage. A son aide des flottes marchandes cinglèrent d’Aziongaber à Ophir. Hannon dans une course de vingt-six jours, poussa jusques vers le Sénégal, et consigna son voyage dans le Périple, dont il nous reste l’abrégé.

Un astronome qui, le premier, distingua les climats par les différentes longueurs des Jours et des Nuits, et qui fut le plus hardi navigateur de l’antiquité, étoit né parmi nous.

Il y a vingt deux siècles que Pythéas (de Marseille) passa le détroit de Gibraltar, et parvint jusqu’à l’Islande ; dans un second voyage, il entra dans la Manche, passa le Sund et pénétra dans la Baltique

Cependant, les plus célèbres Marins de l’antiquité ne furent guères que d’excellents Caboteur, parceque l’Audace des entreprises était subordonnées à la mesure peu étendue de leurs connaissances astronomiques : à peine osoient-ils perdre de vue les côtes. La Mer Atlantique et l’Océan pacifique n’avoient pas vu de citadelles flottantes errer sur leurs Eaux, jusqu’à l’époque où, par le moyen de la Boussole et de nouvelles observations astronomiques, de nouveaux Pythéas s’aventurèrent au large, doublèrent le Cap des Tempêtes, et ouvrirent au Commerce de nouvelles toutes. Alors les productions naturelles et industrielles de tous les Pays circulèrent dans le globe ; alors s’accrut l’horison [horizon] de la pensée ; un grand pas fut fait vers la civilisation générale. De nouvelles branches de la famille humaine apprirent à se connoitre ; elles purent étendre, les unes vers les autres, les bras de la fraternité, et dans les communications d’une amitié réciproque, puiser des jouissances nouvelles.

Mais la déclinaison de l’Aiguille aimantée varie, comme tout le monde sait, suivant les lieux et les temps, et partant les Cartes magnétiques seront toujours insuffisantes. Le compas de route, ni le Loch, n’indiquent pas si la marche du vaisseau a été accélérée ou retardée, s’il a été détourné par la dérive ou par quelque courant. Avec ces instrumens, le navigateur ne peut se passer de L’astronomie ; L’astronomie pourroit absolument se passer d’eux. La découverte des Satellites de Jupiter, en perfectionnant les Cartes marines, a suffi pour produire une révolution dans l’Esprit humain et dans les relations commerciales et diplomatiques.

La découverte la plus importante, qui avoit d’abord été considérée comme une chimère, et qui a beaucoup exercé les mathématiciens des deux derniers Siècles, est la détermination des longitudes en mer. Le problême est ceci : connoissant l’heure du Vaisseau, savoir l’heure du premier Méridien convenu, ou du lieu du départ, la différence des heures réduites en parties de l’Equateur, en la rapportant au Méridien choisi pour terme de comparaison. On compte sur l’Equateur quinze degrés pour une heure et conséquemment quatre Minutes pour un dégré.

Ce problème a été l’objet des méditations et des recherches d’une société célèbre, dont les travaux sont devenus la propriété de tous les Peuples éclairés, <et> de l’académie des sciences de Paris.

Presque toutes les nations qui fréquentent la Mer ont ouvert des Concours relatifs aux Longitudes ; mais rien n’égale ce qu’a fait l’Angleterre à cet égard.

En 1714, à Londres, fut formé un Comité auquel on appella les plus grands hommes de cette contrée : Newton étoit du nombre. C’est là, dit Fleurieu, qu’on fixa les limites de l’erreur ; et d’après la délibération du Comité, le Parlement publia un Bill solennel, pour inviter les savans et les artistes de toutes les Nations à s’occuper du Problème des Longitudes : Un prix de 20 mille livres Sterlings fut proposé pour celui qui trouveroit la Longitude à un demi degré près.

D’autres sommes moins considérables furent assignées tant pour des Tables Solaires et Lunaires, que pour des découvertes moins importantes.

L’horlogerie, la Mécanique, la Géométrie, l’astronomie, ont disputé la gloire de résoudre ce Problème : Toutes se sont assuré des droits à la gratitude des Nations. Tandis que l’astronomie perfectionnoit ses méthodes pour mesurer les distances de la Lune au Soleil et aux Etoiles, ce qui lui donne la différence des Méridiens ; L’horlogerie exécutoit les Montres Marines dont l’idée n’étoit pas neuve, mais dont l’application l’Etoit.

Le Gouvernement anglais accorda des sommes exhorbitantes, soit pour faire imprimer les nouvelles méthodes, soit pour récompenser Bird, Ramsden, et surtout Harrisson [Harrison], dont les Montres furent essayées avec succès dans divers voyages aux Barbades et à la Jamaïque.

En France, deux Rivaux illustrent entrèrent en Lice ; l’un étoit leRoi, fils de Julien Leroi [Le Roy], frère de celui à qui Voltaire disoit : Votre Père et Maurice de Saxe ont battu les Anglais ; L’autre était Ferdinand Berthoud à qui nous devons savoir gré d’avoir adopté la France pour sa nouvelle patrie.

A diverses reprises, le Gouvernement arma à grand frais des Corvettes et des frégattes [frégates], pour soumettre à l’examen, dans des voyages de long cours, les nouveaux moyens présentés pour déterminer les Longitudes en mer. Ces expéditions rappellent avec intérêt les Noms de Courtanveaux [Courtanvaux], Verdun, Borda, Fleurieu, Pingré, Rochon et Chappe ; le neveu de ce dernier est auteur du télégraphe dont Amontons avait donné l’idée.

Il résulte de ces expériences, que malgré l’agitation du vaisseau, la variation des frottements, la différence de Température et les autres Causes accidentelles, ces Montres Marines, surtout celles de Ferdinand Berthoud, conservèrent une justesse que l’art n’avait pas encore atteinte.

Après une Traversée de six Semaines, la somme des Ecarts n’excédait pas deux minutes de temps, ou un demi degré en Longitude. Ce demi dégré équivaut à dix Lieues sous l’Equateur ; à huit Lieues deux tiers, sous le Parallèle de 30 degrés ; à sept sous celui de quarante-cinq, et à cinq sous celui de soixante. Nos collègues Faure et Trehouard [Tréhouart ?] ont constaté (et ce fait est précieux à recueillir) que, dans une dernière sortie de Trente Sept jours ; La Montre de Berthoud a donné la longitude à trois lieues près.

Si ce n’est point encore le dernier Terme de la perfection, c’est jusqu’à présent le dernier effort de la sagacité des savans et des artistes ; et certes, ils sont les bienfaiteurs de la Société. Ils ont épargné à l’humanité des regrets et des Larmes, en diminuant de beaucoup les chances malheureuses des expéditions nautiques.

Au retour d’un voyage dans l’Amérique méridionale, en 1735, don Ulloa imprimoit encore à Madrid que la différence de deux et même trois degrés sur la longitude en Mer, n’était pas réputée une erreur considérable : (1) [en note de bas de page : (1) Relacion historica del viage a la America meridionale, por Juan y Ulloa [Juan y Santacilia, Jorge] (tome I, Page 119).] et si plus heureuses que les expéditions de la Peyrousse [La Pérouse] et de d’Entrecasteaux, les Corvettes expédiées en 1789, sont rentrées récemment dans les ports de l’Espagne, devenue notre ennemie ; c’est peut-être au Génie françois qu’elle doit cet avantage ; car le génie, par ses bienfaits, est cosmopolite ; ses découvertes sont l’héritage du genre humain ; et les travaux de ces hommes occupés à défricher les routes de la science, à prendre la nature sur le fait, suivant l’expression de Fontenelle, préparent en silence, et assurent les destins des Nations.

L’envoi d’un aviso en temps de guerre, peut compromettre le succès d’une bataille et le Salut d’une Colonie, si l’ignorance du Pilote fait manquer sa route et retarde son arrivée. C’est faute de Lumières que plusieurs bâtimens allant atterrir à l’Isle Rodrigue [Rodrigues] pour gagner le vent, au lieu de se porter directement aux Isles de France ou de la réunion, ont été capturés par des croiseurs anglais. (2) [en note de bas de page : (2) en 1779, Trémignon capitaine de vaisseau fut expédié de Brest, sur le Bizarre de 1764 pour se rendre à l’Isle de France. L´Equipage et l’Etat-major éprouvèrent une maladie si contagieuse qu’à son arrivée à False Bay, les débris du convoi de M. Duchillaud furent obligés de lui envoyer du monde pour serrer ses voiles et s’amarrer.] par suite d’ignorance semblable n’a-t-on pas vu un vaisseau destiné pour L’Isle de France aborder à la côte de Malabar ?

On se rappelle le trait de l’amiral Anson, dont l’incertitude sur la position de l’Isle de Juan Fernandez, en l’obligeant à tenir la Mer plus longtems, coûta la vie à 70. ou 80 hommes de son Equipage.

La prospérité du Commerce, la sûreté de nos vaisseaux vous intéressent ; la vie des Marins vous est chère, et vous ne voulez pas qu’elle soit abandonnée aux erreurs d’hommes, qui, incapables de s’assurer du lieu du vaisseau à chaque instant du jour et de la nuit, de connaître la Longitude et la Latitude des points de relâche, le gissement des Côtes, iroient se briser contre des Ecueils.

Vous avez quelques officiers, quelques Pilotes très éclairés : il faut en accroitre le nombre, si l’on veut faire oublier les Naufrages qui ont affligé la Marine française.

Il faut leur donner des règles sûres et applicables dans toutes les circonstances. Il faut en quelque sorte vulgariser la science en leur communiquant des méthodes promptes et faciles, pour simplifier les calculs, et par là même dompter les fureurs de la Mer, et tromper les Caprices de cet Elément.

Depuis 1767, les Anglais publient leur Nautical almanac, dont l’idée est due aux Français ; car lorsque Maskeline [Maskelyne], revenu de Sainte-Hélène, le proposa, il ne fit qu’adopter l’idée présentée en 1755 par La Caille [Lacaille]. Cet ouvrage, devenu le Manuel des Marins, paroit cinq et même six ans à l’avance, tandis que chez nous, à l’époque actuelle, la Connoissance des Temps n’est imprimée que pour l’année courante, et vous seriez dans l’impossibilité de donner cet ouvrage indispensable à des Marins, si dans ce moment on entreprenoit quelque voyage de Long cours.

Mais aussi, la confection du Nautical Almanac est confiée à un établissement pour lequel les Anglais n’ont rien épargné, à un Bureau des Longitudes tel que celui dont vos Comités vous proposent la formation. Ce Bureau fera, chaque année, un cours public d’astronomie ; il vérifiera tous les instruments nautiques destinés pour notre Marine, il sera chargé de rédiger la Connoissance des Temps, de manière qu’on ait toujours plusieurs années à l’avance ; il perfectionnera les Tables astronomiques et les méthodes de longitudes, les cartes magnétiques et surtout les cartes hydrographiques, dont un grand nombre sont encore très vicieuses, celles surtout de la Méditerranée, ce qui intéresse essentiellement votre Commerce du Levant.

Telle est leur imperfection, que, pour l’Anacharsis de Barthélémy [Barthélemy], les cartes ont été faites d’après des Plans levés à la Boussole. La Mer Caspienne, avec le pays adjacent, est encore si peu connue, que quelques géographes ont varié de cinq dégrés sur sa position. Le Citoy. Beauchamps, qui a laissé son observatoire à Bagdad, et qui est nommé consul à Mascate, espère rectifier ces erreurs dans le cours d’un voyage, dont le Commerce et l’Astronomie se promettent de grands avantages.

Le Bureau des Longitudes s’occupera également de la Météorologie, Science peu avancée ; et cependant les résultats de cette branche des connoissances humaines importent singulièrement à l’Agriculture. On sait avec quel succès ils ont été appliqués par Duhamel à la Botanique, par Malouin à la Médecine, par Deluc à mesurer la hauteur des Montagnes.

L’Observatoire de Paris, le plus beau Monument élevé à l’astronomie, est presque désorganisé. Plusieurs des Membres vont dans la Belgique, mesurer des Triangles, tandis que pour compléter l’arc de Neuf degrés et demi, dont la mesure est commencée, Delambre va reprendre les opérations géodésiques depuis Orléans, en continuant vers les Pyrénées ; et des Pyrénées, Méchain s’avancera vers lui en continuant les travaux du même genre. Par l’Etablissement du Bureau des Longitudes, l’Observatoire se trouve réorganisé.

Dans divers Départements, vous avez des Observatoires. A Lïon [Lyon], Dijon, Montauban, Marseille, Toulouse, etc. et de bons observateurs, tels que Jacques, Darquier, Duc-la-Chapelle [Duc-Lachapelle], Le Roy et autres. Le Bureau proposera les observatoires qui doivent être conservés.

Après une relâche assez longue, on lui forma un nouvel Equipage aux dépens du Convoi avec lequel il partit pour se rendre à sa destination. Mais les hommes sains et Robustes qu’on lui avait donnés, ayant été atteints de la Maladie dont le germe était resté à bord du vaisseau, il se détermina à se séparer du convoi, et Malavois, Elève de Lalande, qui allait en qualité d’Ingénieur dans l’Inde, au moyen des observations de Longitude, le fit atterrir droit sur l’Isle de France, au lieu d’aller prendre connoissance de Rodrigues ; comme cela se pratique encore aujourd’hui, quoique cette Isle soit à cent lieues au vent de l’autre.

Le bizare [Bizarre] gagna huit jours par ce moyen sur le Convoi ; combien d’hommes, dans cet intervalle de temps, eussent péri ; quoique la maladie ne fût pas à son dernier période [sic], elle les [suite du paragraphe illisible]

Certes dans ce nombre, ne seront point oubliés les Ports de Brest et de Toulon, qui sont les principaux arsenaux des forces maritimes de la République, où les besoins de la Marine commandent impérieusement l’Etablissement d’Observatoires. A Brest, Le Local et les instrumens n’attendent qu’une légère dépense pour la bâtisse ; et là vous avez un astronome dont le nom appelle la confiance, Le Cit. Rochon.

Sans doute vous favoriserez également l’Etablissement d’un atelier pour la fabrication des Lunettes à Brest, où l’on peut presque toujours se procurer par des prises anglaises le flintglass nécessaire à leur confection. D’ailleurs les Lunettes de Paris quoique excellentes, et fabriquées par des artistes très habiles, ne conviennent pas toujours à la Marine, parce que ceux qui observent à terre n’ont pas à redouter l’inconvénient qui résulte des roulis et du tangage des vaisseaux, et que l’horizon sur Mer présente un aspect différent de celui de terre.

Si l’on accorde à Ferdinand Berthoud un Logement au Louvre, où cet artiste puisse déployer son atelier, il se propose de rendre de nouveaux services à sa Patrie, en formant gratuitement des Elèves pour la construction des horloges marines ; alors les moyens de perfectionner la science seront réunis ; et tandis qu’en ouvrant des canaux vous créerez la navigation intérieure, le Bureau des Longitudes, par ses travaux, ses observations et la correspondance avec les Savans, tant nationaux qu’étrangers, rassemblera en un faisceau toutes les lumières propres à éclairer et à diriger la navigation extérieure.

Il est instant de réparer le gnômon de Tonnerre, ce qui peut se faire avec très peu de frais.

Vous réaliserez le projet d’un Télescope à la manière d’herschell [Herschel], ayant 60 Pieds de long, sur six Pieds de diamètre.

La Royauté avait souillé tout ; La République purifiera tout : depuis la fin du seizième Siècle, toutes les nations ont emprunté des Français l’usage de marquer le Nord par une fleur de lis, tant sur les compas de route, que sur toutes les cartes hydrographiques, et même sur les cartes géographiques qui embrassent trop peu d’espace, pour qu’on puisse y tracer les méridiens et les Parallèles. On ne connoit guère d’exception à cet usage, que dans les nouvelles cartes du Kattegat, de la Baltique et du golfe de Finlande, par Nordenankars [Nordenankar]. Des emblèmes plus convenables à la Liberté remplaceront les Signes du despotisme.

Le moment n’est pas éloigné, sans doute, où les nations abjurant les puérilités de l’orgueil, adopteront pour méridien commun, celui que Ptolomée [Ptolémée] avait fixé à la plus occidentales des Isles Canaries

Le Bureau des Longitudes est composé, à Londres, au moins de dix huit Membres, dont six sont les Lords de l’amirauté ; celui de Paris sera moins nombreux ; Dix Membres et quatre adjoints ; vos Comités vous proposent des hommes que l’Europe nous envie, qui sont créanciers de la Postérité, et dont le choix sera une réputation [réparation] éclatante des outrages faits par les Barbares, les Contre-révolutionnaires que soldait l’Etranger, aux Sciences, et à ceux qui les cultivent.

Quant aux dépenses, nous ne rappellerons pas celles qu’ont faites les autres Peuples, et même les Chinois, pour l’érection d’un magnifique Observatoire ; ce qu’ont fait deux Tyrans de la France, pour l’avancement de l’astronomie. Sous Louis XIV, La Méridienne et la Perpendiculaire furent tracées. Sous Louis XV, des colonies de savans se partagèrent en quelque sorte le Globe pour observer le Passage de Vénus, pour mesurer des degrés terrestres ; les uns à L’Isle Rodrigue, au cap de Bonne Espérance, en Californie ; les autres en Laponie, au Pérou.

Il faut défalquer sur les dépenses nouvelles qu’occasionnera cet établissement, celle qu’entrainoit l’observatoire ; puisqu’il sera désormais dans son attribution.

D’ailleurs, nous vous dirons qu’en fait d’Economie, dépenser à propos, c’est épargner.

On objectera peut-être que, dans les Lois organiques relatives à la partie de la Constitution, qui a pour objet l’instruction publique, cet article trouvera sa place ; il l’y trouvera sans doute, et même notre projet est conçu de manière à être casé dans ce plan ; mais le moment, où d’après les bases constitutionnelles, le Bureau des Longitudes pourroit être organisé, est encore lointain, tandis qu’il s’agit d’une chose urgente. Si vous pensez que l’ajournement soit nécessaire à la discussion, qu’au moins il soit prochain. N’ajournons pas indéfiniment les moyens de Prospérité de la République ; vous accroîtrez ces moyens propres à hâter le bonheur de la race humaine, et vous léguerez ce dépôt aux générations qui nous suivront et qui nous jugeront.

Nous finirons par ces paroles d’un savant, qui, après avoir siégé parmi les Législateurs, fut assassiné sous le Régime de la Tyrannie. En astronomie, dit Bailly, il reste un grand nombre de questions à débrouiller ; ce sera l’Œuvre du temps et la moisson de la Postérité. (I) [en note de bas de page : (I) histoire de l’astronomie ancienne ; discours préliminaire, Page III.]

Type de document Procès-verbal
Commentaires La copie du rapport commence à la page 1 (non numérotée ou non lisible).
Collection Registre 1804-1813 (copies)
Citer ce document “Copie du Rapport fait à la Convention Nationale dans sa séance du 7 messidor de l'an III (25 juin 1795. 8. S) par le Représentant du Peuple Grégoire sur l'Etablissement du Bureau des Longitudes”, 1795-06-25, Les procès-verbaux du Bureau des longitudes, consulté le 28 mars 2024, http://purl.oclc.org/net/bdl/items/show/7305

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