Les procès-verbaux du Bureau des longitudes

Le théodolite magnétique Hurlimann du Bureau des longitudes

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Instrument présenté par Frédéric Soulu (Centre François Viète)

Publié le 19/07/2021

Le théodolite magnétique Hurlimann du Bureau des longitudes (© Martina Schiavon / Frédéric Soulu)

  • Date : avant 1887 - aujourd’hui
  • Type : instrument de mesure de la déclinaison magnétique

Contexte d’émergence

Les études sur le champ magnétique terrestre se multiplient au début du XIXe siècle : en particulier, la variabilité de la déclinaison magnétique, à savoir l'écart entre le nord géographique et le nord magnétique, sur la surface du globe et dans le temps. Cette valeur est nécessaire à de nombreuses activités : depuis la navigation maritime, jusqu’à l’arpentage. L'ensemble des efforts visant à connaître le champ magnétique à cette période, a été appelé, par l'historien des sciences John Cawood, la « croisade magnétique ». En effet, Carl Friedrich Gauss (1777-1855) sous l’impulsion d’Alexandre von Humboldt (1769-1859) développe un réseau mondial, épaulé par Edward Sabine (1788-1883), puis par Adolphe Quételet (1796-1874). La compétition est alors intense à l’étranger mais cependant les astronomes de l’Observatoire de Paris ne prennent pas part à cet effort puisqu’ils poursuivent des travaux sur la question commencé par Jean-Dominique Cassini dit Cassini IV (1748-1845). Des instruments y sont développées qui conjuguent les fonctions d’un théodolite et d’une boussole de déclinaison. Au milieu des années 1820, un de ces instruments est la boussole de déclinaison de Gambey qui est récompensée dans les expositions nationales pour sa précision. Son usage sur le terrain et en expédition est cependant rendu délicat, notamment par sa taille. A Munich, dans les années 1840, Johann von Lamont (1805–1879) développe également un instrument conjuguant les fonctions d’un théodolite, d’une boussole de déclinaison, et d’une boussole d’intensité : le Reisetheodolit. Le fait que ces instruments soient destinés à équiper les voyageurs, rend ainsi rentable la propriété de cumuler les fonctions.

Bras escamotable pour la mesure de la composante horizontale du champ magnétique terrestre (© Martina Schiavon / Frédéric Soulu)

En France, ce modèle d’instrument est remanié d’abord par Jean Brunner (1804-1862) au milieu des années 1840 (“nouvel instrument de M. Brunner (mention au 1849-01-03)”, 1849-01-03, Les procès-verbaux du Bureau des longitudes, consulté le 19 avril 2021) puis par ses fils, au début des années 1860, les frères Emile (1834-1895) et Léon Brunner (1840-1894). Un de leurs exemplaires est acquis par le Bureau des longitudes en 1863 (“Procès-verbal de la séance du 2 Xbre 1863”, 1863-12-02, Les procès-verbaux du Bureau des longitudes, consulté le 19 avril 2021). Une nouvelle version en est proposée à la fin des années 1870 par le physicien Hippolyte Marié Davy (1820-1893) ; sa construction est à nouveau confiée aux frères Brunner. Puis, au début des années 1880, l’hydrographe Anatole Bouquet de la Grye (1827-1909) propose un modèle construit avec Hurlimann qui dispose de la pièce optique escamotable qui transforme la lunette en microscope (Bernardières, 1883, p. 401). 

Construction

Jean Désiré Alfred Hurlimann (1835-1900) reprend la maison Lorieux. Il est possible que cet instrument ait été désigné sous le nom de cette maison à son acquisition.

Signature du constructeur (© Martina Schiavon / Frédéric Soulu)

Hurlimann candidate à la place de membre artiste au Bureau des longitudes en 1895, à la mort d’Émile Brunner (“Ministère de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts - Service de l'Instruction publique - Bureau des Longitudes - Séance du 11 décembre 1895”, 1895-12-11, Les procès-verbaux du Bureau des longitudes, consulté le 19 avril 2021).

Une version postérieure, propre à ce constructeur, est donnée à voir dans le catalogue « L’industrie française des instruments de précision » (1901-1902). La figure 24 est un théodolite magnétique de chez Ponthus et Therrode, maison qui a repris l’atelier Hurlimann, décédé en 1900.

Description

Des supports d'aimants placés latéralement permettent de mesurer l'intensité de la composante horizontale H par la méthode d'oscillation-déviation de Gauss-Lamont.

Les mesures de position de la lunette de visée sont réalisées sur chacun des cercles azimutal et de hauteur à l’aide des deux verniers à loupe que possède chaque cercle.

Lieu

Observatoire de Montsouris. Expéditions.

Le théodolite magnétique Hurlimann est un instrument de précision intermédiaire qui conjugue deux types de mesure nécessaires lors des expéditions cartographiques : mesure d’angles de hauteur et d’azimut, pour déterminer sa position, et mesure d’éléments du champ magnétique terrestre comme la déclinaison magnétique, c’est-à-dire la valeur de l’angle entre la direction du Nord géographique et la direction du Nord magnétique donnée par la boussole, et l’intensité. C’est un instrument « deux en un ».

Mise en œuvre sur un pilier en chêne avec du cuivre dans la mission Lemaire au Katanga (tome 1, p. 6)

Désignations

lunette magnétique, boussole de déclinaison, boussole de déclinaison absolue, théodolite boussole, théodolite magnétique

Usage scientifique d’environ 1889 à aujourd’hui

Le Bureau des longitudes acquiert des modèles de ce type d’instrument car ils représentent des modèles très maniables et qui peuvent être développés jusqu'à devenir très sophistiqués. Certains sont explicitement acquis pour former les officiers de Marine à l’observatoire de Montsouris dans la perspective de dessiner une nouvelle carte magnétique globale au début des années 1880 (“théodolites donnant les trois constantes magnétiques (mention au 1881-11-16)”, 1881-11-16, Les procès-verbaux du Bureau des longitudes, consulté le 19 avril 2021). Plusieurs missions magnétiques coorganisées par le Bureau des longitudes et le ministère de la Marine sont ainsi effectuées au milieu de la décennie 1890 (Vanssay, 1903).

La date d’acquisition de ce théodolite-boussole de Hurlimann par le Bureau des longitudes est inconnue mais, probablement, antérieure à 1889. En effet, le procès-verbal de la séance du 27 novembre 1889 mentionne la demande faite au Bureau par Léon Teisserenc de Bort (1855-1913) d’un tel instrument pour une mission en Algérie. Il est alors décidé : « de lui prêter ces instruments dans le cas où le Bureau météorologique ne pourrait pas les lui fournir. M. Tisserand prie M. Teisserenc de Bort de conférer à ce sujet avec M. Bouquet de la Grye. » (“Bureau des Longitudes - Séance du 27 novembre 1889”, 1889-11-27, Les procès-verbaux du Bureau des longitudes, consulté le 19 avril 2021).

Le modèle conservé par le Bureau des longitudes est une version probablement du début de la carrière d’Hurlimann car il est très proche de la boussole de voyage des Brunner (Annuaire de l’observatoire de Montsouris pour 1879, p. 287).

Un seul instrument de Hurlimann figure dans l’inventaire des instruments du Bureau des longitudes présents à l’observatoire de Montsouris et daté du 10 octobre 1894 (source : archives du Bureau des longitudes – boites E cahier vert) : un « théodolite magnétique Hurliman ». Cet inventaire, contresigné par le contre-amiral Fleuriais, alors directeur de l’observatoire, a été dressé contradictoirement par les secrétaires entrant et sortant. L’instrument y figure sous le numéro d’inventaire 73.

Boîte de transport (© Martina Schiavon / Frédéric Soulu)

Le théodolite magnétique a été utilisé tout au long du 20e siècle et de nombreux autres exemplaires de différents constructeurs existent. Le musée de sismologie et des collections de géophysique de l’Université de Strasbourg présente plusieurs exemplaires successifs de Chasselon (http://musee-sismologie.unistra.fr/collections/les-collections-de-magnetisme/).

Diverses publications d’observations réalisées avec cet instrument

Cet instrument a été prêté par le Bureau des longitudes pour des expéditions. L’instrument se range dans une solide boîte de transport.

Il a été utilisé par exemple par le Commandant Bienaimé du transporteur-aviso La Manche lors de son expédition en Islande et au Spiztberg en 1892 (Bienaimé, 1892, « PHYSIQUE DU GLOBE. Résumé succinct des résultats du voyage du transport-aviso la Manche en Islande, à Jan Mayen et au Spitzberg pendant l'été de 1892 », Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, vol. 115, p. 683-687)

Entretien, réparation

Une étiquette, toujours en place sur la boîte de transport, indique la valeur d’une constante instrumentale déterminée le 28 avril 1897.

Désinstallation, conservation

Cet instrument est aujourd’hui conservé dans sa boîte d’origine dans les locaux du Bureau des longitudes.



Bibliographie

Bernardières Octave (de), 1883, « Rapport adressé au Bureau des longitudes », Annales du Bureau des longitudes, vol. 3, p. 327-506

Cawood John, 1979, "The Magnetic Crusade: Science and Politics in Early Victorian Britain.", Isis, vol. 70, n°4, p. 493-518.

Lemaire Charles, Mission scientifique du Ka-Tanga. Premier mémoire, Publications de l’État indépendant du Congo – Ch. Bulens Éditeur, Bruxelles, 1901, 88 p.

Vanssay Pierre (de), 1903, « Missions magnétiques organisées par le Bureau des longitudes en 1895- 96 », Annales du Bureau des longitudes, vol. 6, p. A1-A183.